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Sainte-Anne, un petit coin de France à Jérusalem

Sainte-Anne, un petit coin de France à Jérusalem

Anne était la mère de Marie, mère de Jésus. Elle est donc grand-mère du Christ. Avec un pareil curriculum vitae, rien d’étonnant à ce qu’une église de la ville trois fois sainte lui soit dédiée. Etonnement : son acoustique est telle que toutes les grandes voix du monde rêvent d’y pousser la note. Et surprise : ce site est un territoire français. 

 

Sur une tour de l’église Sainte-Anne flotte un drapeau tricolore. Ici, dans le vieille-ville de Jérusalem, on ouvrirait des yeux ronds en entendant contester la collusion entre les affaires du ciel et celles de la terre. Pas de ça chez nous. Dont acte. Autre paradoxe, cette église est installée en plein quartier musulman. Nouveau soupir des tenants de la stricte délimitation des territoires de prière. Depuis toujours, papillottes, barbes et tonsures se croisent le long des ruelles juste assez larges pour laisser passer une bourrique, sans que personne trouve à y redire. Dont acte. Dernier émerveillement, ce serait donc devant le portail de l’édifice, là où est dessiné le bassin rectangulaire de Béthesda soigneusement restauré que ce serait déroulé la scène mythique du « Lève-toi et marche », lorsque le paralytique sortit du bain en pleine forme, sous le miraculeux regard du fils de Marie. Qui doute passe son chemin, à Jérusalem, la puissance divine accompagne le quotidien des humbles humains. Dont acte.

Moine dans le quartier chrétien de Jérusalem

Marion Osmont

 

Un don turc à la France

Officiellement, l’édifice actuel a été édifié par les croisés en 1140. C’est un ordre d’idée car entre le début des travaux, l’ouverture aux fidèles et la consécration, les dates se perdent un peu dans la nuit des temps. On sait en revanche qu’auparavant, sur ce même site, il y avait une église byzantine qui avait fait les frais d’une percée musulmane. Et qu’encore plus de 1000 ans auparavant, se trouvait dans ce même réduit la maison d’Anne et Joachim, les parents de Marie. Cette dernière y serait donc née.

Sainte- Anne de Jérusalem

Getty Images

L’église mettait tout le monde, chrétiens et musulmans d’accord sur une caractéristique du bâtiment, son acoustique. Exceptionnelle, unique. Saladin (1138-1193) faisant triompher son épée sur Jérusalem transgresse l’habitude des vainqueurs qui consiste à raser toute trace des impurs, conserve l’église et, flambé par la magie des sons contre la pierre blanche, la transforme en université coranique. Ce sera la dernière gloire d’Anne, vaincue par le temps et l’obscurantisme qui suit. En 1856, le sultan turc Abd-al-Majid, fort reconnaissant de l’aide que lui avait fourni Napoléon III au cours de la guerre de Crimée contre les troupes russes, fait don à la France de cette église en ruines. Le drapeau français flottera désormais dessus. L’Etat en finance le fonctionnement et ce sont les Pères Blancs, une société missionnaire très présente en Afrique, qui occupent les lieux. Ils sont actuellement une vingtaine à vivre sur place.

 

L’heure de la chorale

La visite fait découvrir un espace charmant, une petite église, certes mais également un magnifique jardin fleuri semé de bancs de pierre et souvent dédié au silence malgré le nombre important de visiteurs qui se pressent ici, l’église Sainte-Anne étant célébrée par les chrétiens venus du monde entier, russes, grecs, latins, protestants, coptes, éthiopiens, etc. Mais le plus réjouissant consiste à croiser les doigts pour qu’advienne le miracle, être présent à l’heure où quelques voix s’y retrouvent. La fameuse acoustique. Régulièrement, une chorale donne de la voix à l’abri de la nef. Religieuse ou gospel, rock ou lyrique. Ou bien une soliste. Ce n’est pas toujours Jessy Norman, Adele ou Diana Krall mais l’Ave Maria y prend soudain une ampleur qui impose le divin.

Eglise Sainte-Anne de Jérusalem

Iconotec

La porte des Lions (ou Saint-Etienne) et le Dôme du Rocher sont juste à côté. Le mur des Lamentations n’est pas très éloigné. Le mont des Oliviers, la tour de David, la via Dolorosa, l’église du Saint-Sépulcre, les innombrables musées, le splendide souk, à voir, évidemment, mais plus tard.

D’autant que la France possède ici trois autres territoires : l’église du Pater Noster (monastère carmélite Eléona) sur le mont des Oliviers, le tombeau des Rois (rue Saladin à Jérusalem Est), une grotte artificielle où le consulat de France organise régulièrement des concerts, l’abbaye Sainte-Marie de la Résurrection d’Abu Gost, à une dizaine de kilomètres de la ville. La France est la seule puissance étrangère autorisée, au nom de l’histoire, à faire flotter son drapeau sur des bâtiments religieux en Israël.

 

Par

JEAN-PIERRE CHANIAL