Publié 14 juin 2024
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Les fous de grands espaces y trouvent des paysages à leur (dé)mesure, les cinéphiles les décors naturels de leur western préféré, les hippies et New Age affluent en quête spirituelle, les idéalistes y construisent des utopies concrètes. Et vous ?
La capitale de l'Arizona, tentaculaire, dévore toujours plus le Sonora, grand vide planté de cactus Saguaro. À une petite heure de là, loin des résidences hypersécurisés pour riches retraités, des courbes des échangeurs d'autoroutes et des terrains de golf dans le désert, Arcosanti, écovillage imaginé dans les années 1970 par l'architecte écologiste Paolo Soleri, à rebours de son professeur Frank Lloyd Wright, qui concevait la ville autour de l'automobile. Après l'Interstate I-17, il faut emprunter un sentier poussiéreux pour rejoindre cet improbable kibboutz de désert - la ville, ironiquement, ne se rejoint qu'en voiture. La succession de bâtis de béton organiques, tout en courbes, d'arches, de voûtes et de nefs massives dessinent des espaces communautaires ouverts sur la nature, incarnation des ambitions de Soleri: inventer une société libérée de l'hyper- consumérisme, restreindre l'empreinte des villes sur les terres et les ressources, relier leurs habitants - entre eux et à leur environnement. L'utopiste a pensé Arcosanti pour 5 000 "arconautes". Ils ne sont aujourd'hui plus que 80 à y vivre. La visite vaut pourtant pour son modèle, précurseur de nos écoquartiers contemporains, et parce que cette cité de désert constitue l'exacte antithèse de Phoenix.
Jérôme Galland
Plus au nord, l'I-17 s'engouffre dans la forêt, et Sedona jaillit dans la vallée, ville-oasis lovée au creux des canyons. En 1946, Max Ernst et sa compagne Dorothea Tanning s'installent là, et construisent de leurs mains une maison de bois, sans eau courante ni électricité. Ernst y déploie son bestiaire, dont l'un de ses plus puissants chefs-d'œuvre, Capricorne, sculpture géante qu'il dresse tel un totem face à l'immensité, aujourd'hui exposée au Centre Pompidou. Ernst et Tanning reçoivent Man Ray, Marcel Duchamp, Lee Miller. Les surréalistes seront les précurseurs d'un exode mystique qui n'aura de cesse de transformer la ville.
À leur suite, au tournant des années 1960, hippies et routards de retour de Katmandou s'y installent, dans un syncrétisme de croyances, entre légendes autochtones et découverte de vortex telluriques. La petite ville est aujourd'hui la capitale américaine du New Age, attirant nombre de pèlerins en quête spirituelle. Nul besoin d'être mystique cependant pour tomber sous le charme de ces paysages grandioses - une roche rouge sang dont la vivacité le dispute à celle du ciel, bleu électrique -, connus pour provoquer la Red Rock Fever, et qui en font le deuxième lieu la plus visité d'Arizona, après le Grand Canyon. À cent miles au nord, cette immense faille, qui s'étend du sud de l'Utah au nord de l'Arizona, est sans doute le phénomène géologique le plus impressionnant de la planète. Le gigantisme, les teintes folles, presque immatérielles, les strates géologiques : tout contribue à créer une perte de repères inédite. Le Grand Canyon tient ses promesses.
Jérôme Galland
Après les terres fauves, rousses et chaudes du Canyon, le lac Powell est comme une respiration blanche. Un vide dans le paysage. Situé en Arizona et en Utah, ses découpages minéraux improbables, son ampleur (300 kilomètres de long, 180 mètres de profondeur, plus de 3 000 kilomètres de rivages) et l'apparente tranquillité de l'immensité aquatique en font un paysage obsédant. La route se poursuit à travers la grande réserve, au cœur des paysages arides et grandioses de la nation Navajo parcourus par des hommes au volant de leurs camionnettes, coiffés de chapeaux, parés de bijoux d'argent et de turquoise.
Apparait alors Monument Valley, grand plateau érodé dont les gigantesques silhouettes habitent l'imaginaire collectif en Technicolor. Une icône, la quintessence de l'Ouest américain. Indissociable de l'histoire du western et de John Ford. Un endroit unique, sacré, étrangement calme, "le plus complet, le plus beau, le plus paisible au monde" a déclaré le cinéaste qui n'a cessé de questionner les récits fondateurs de la nation américaine, devenu membre honoraire de la nation Navajo lors d'une cérémonie célébrée pendant le tournage de La Prisonnière du désert (1956). Visionnant son œuvre (La Chevauchée fantastique ou L'homme qui tua Liberty Valance), on ne peut douter qu'il avait fait sien le précepte de ses amis Navajos: "marcher dans la beauté". Condition sine qua non d'une vie heureuse, qui semble ici une ambition raisonnable, en ces terres de chaleur et de poussière, de paysages et de mythes iconiques.
L'Arizona est d'abord une expérience visuelle, après l'incontournable cliché de famille au pied d'un saguaro, il faut grimper au sommet de Horseshoe Bend pour la vue inoubliable, se percher au-dessus du Colorado. Toujours plus haut: le survol de Canyonlands en hélico; à pied, l'exploration de celui d'Antelope; sur l'eau, embarquer sur le lac Powell, en kayak pour la journée ou pour la nuit, à bord d'un house- boat. Traverser les terres navajos, et basculer en Utah, admirer Mesa Verde. Toujours plus haut, survoler Canyonlands. Dans la ville de Moab, crapahuter au sommet d'une tour d'ocre, puis "on the road again" filer en side-car jusqu'à Sedona, et suivre la piste de Frank Lloyd Wright, dont le génie architectural flotte ici depuis les années 1930, et dans son sillon, celle de Paolo Soleri, à Arcosanti, ville-utopie en plein désert. Y dormir sous les étoiles. Sur la route, relire Dorothea Tanning et reconnaître la palette des ocres qui a aussi inspiré Max Ernst, Man Ray, Ansel Adams. Enfin, affûter son œil au Center for Creative Photography de Tucson, affiner son coup de pinceau auprès des artistes du Sedona Arts Center, et revenir chargé de couleurs.
Jérôme Galland
Photographie de couverture : Jérôme Galland
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