 
        Publié 30 oct. 2025
Écrit par MARION OSMONT
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Depuis un siècle, toute course vers l’Ouest, la mer et le rêve californien passe par les 4 000 kilomètres de ce ruban d’asphalte parti de Chicago pour s’échouer sur les rives du Pacifique – « la mère des routes », écrivait John Steinbeck dans Les Raisins de la colère. Née du projet visionnaire d’un homme, la Route 66 est un mythe américain, un miroir de ses espoirs et de ses contradictions. Des motels aux stations-service, elle raconte une Amérique profonde, populaire, éternellement en mouvement. Un siècle après sa création en 1926, la Route 66 n’a rien perdu de sa force d’attraction.
Tout commence avec Cyrus Avery, ingénieur visionnaire. Dans les années 1920, il pressent que la modernisation du réseau routier déterminera l’avenir du pays – et plus encore celui de son État. La génération précédente avait cru au rail ; la sienne découvre la voiture, nouveau symbole d’indépendance et de conquête. Pour relier le cœur agricole du Midwest aux métropoles industrielles, puis à la côte Pacifique, Avery imagine une voie continue, une artère vitale. Son tracé, audacieux, rompt avec les traditions. Depuis le siècle précédent, la Santa Fe Trail règne sur l’imaginaire de la conquête de l’Ouest : une piste mythique, parcourue par les chariots des pionniers, reliant le Missouri au Nouveau-Mexique. Mais Avery, homme du XXe siècle, raisonne en termes d’efficacité et de développement. Il déplace le centre de gravité de la nation : la route ne doit plus seulement ouvrir la frontière, elle doit connecter les territoires, les villes émergentes, les travailleurs. Son itinéraire passe par Tulsa, Oklahoma City, Amarillo, Albuquerque ; il contourne les symboles du passé pour mieux embrasser la modernité. Lorsqu’elle est officiellement inscrite sur les cartes en 1926, la Route 66 n’est encore qu’un assemblage de tronçons boueux, que le moindre orage transforme en bourbier impraticable. Il faudra plus d’une décennie pour la paver intégralement : en 1938, elle devient la première route américaine entièrement asphaltée, la « Main Street of America ».

L’œil d’Eos
La crise de 1929 et les tempêtes de poussière du Dust Bowl font de la Route 66 un chemin d’exode. Des milliers de familles quittent l’Oklahoma et l’Arkansas et leurs terres dévastées pour rejoindre la Californie. Et dès 1939, la Route 66 fait son entrée en littérature : Steinbeck immortalise cette odyssée dans Les Raisins de la colère : la « Mother Road » devient la route des humiliés et des survivants. Elle porte désormais une mémoire sociale, celle d’une Amérique à la fois brisée et combative.
Quelques années plus tard, la Route 66 redevient un axe stratégique. Durant la Seconde Guerre mondiale, les usines d’armement et les bases militaires s’installent massivement sur la côte Pacifique. Ouvriers, soldats, familles entières empruntent la route pour rejoindre la Californie. Les camions chargés de matériel défilent sans relâche. Le ruban d’asphalte né du rêve civil de la prospérité se met au service de l’effort de guerre. Le mythe s’enracine : la Route 66 accompagne tous les grands mouvements de l’histoire américaine.
Lorsque la paix revient, la Route 66 s’impose comme le décor d’une Amérique triomphante. L’automobile devient symbole de liberté. Les familles partent à la découverte du pays, entre motels pastel, diners chromés et stations-service à l’odeur d’essence et de café chaud. On y goûte l’immensité, la lumière, le plaisir de rouler vers un horizon sans fin. C’est aussi l’âge d’or de la culture populaire. Get Your Kicks on Route 66, interprétée par Nat King Cole puis par Chuck Berry, fait chanter les transistors des années 50. Les photographes de Life et Look fixent sur pellicule les pompes à essence et les enseignes aux néons qui clignotent dans la nuit. L’Amérique consomme la route comme elle consomme son propre rêve. Mais sous la surface brillante, un autre regard émerge, celui de la Beat Generation. Jack Kerouac ou Allen Ginsberg prennent la route à leur tour. Pour eux, la Route 66 n’est pas une voie touristique mais un espace intérieur, métaphore de leur quête spirituelle. Dans Sur la route, Kerouac transforme la route en expérience mystique. La Route 66 n’est plus seulement la route du rêve américain ; elle devient la route de l’Amérique en doute, celle des âmes vagabondes, des marginaux, de ceux qui cherchent dans la poussière un sens à la modernité.

Julia Nimke
Avec la construction des Interstates dans les années 1950 et 1960, la Route 66 perd peu à peu sa fonction première. Les nouvelles autoroutes, rectilignes et rapides, l’effacent du paysage. Les motels ferment, les stations-service rouillent, les villes traversées se vident. En 1985, la route est officiellement déclassée. Mais ce déclassement signe paradoxalement le début d’une seconde vie. Des habitants, des collectionneurs, des rêveurs s’emploient à préserver les vestiges : stations vintage, motels aux enseignes d’époque, diners au comptoir chromé. Des associations militent pour la reconnaissance de tronçons « Historic 66 ». L’Amérique redécouvre son patrimoine : la route, déchue, devient culte.
En 2026, la Route 66 fête son centenaire. Expositions, restaurations, festivals : tout au long de son tracé, les huit États qu’elle traverse – de l’Illinois à la Californie – s’apprêtent à célébrer leur part de légende. Mais au-delà des commémorations, prendre la Route 66 demeure l’un des voyages les plus emblématiques qu’offre l’Amérique. La parcourir, c’est traverser un siècle d’histoire et de paysages, du tumulte industriel de Chicago aux plages californiennes de Santa Monica, en passant par les plaines de l’Oklahoma, les mesas du Nouveau-Mexique ou les déserts rouges d’Arizona. C’est traverser un pays en mouvement, où l’histoire et les débats contemporains se lisent dans les villes et les paysages. La Route 66 demeure un terrain d’aventure, mais aussi un espace pour observer, réfléchir et mesurer la fragilité et la vitalité de la liberté américaine. Prendre la route, c’est goûter à l’Amérique, dans sa beauté, ses contrastes et ses tensions, et se rappeler que le rêve qui a fait la légende mérite d’être exploré et préservé.

Alyssa Jane / Unsplash.com
Photographie de couverture : Brian Chorski / Kintzing
 
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