Publié 30 sept. 2025
Temps de lecture
Deux capitales, deux âmes, deux visages, voici un duel céleste au sommet de la Bolivie éternelle. L’une, suspendue à flanc d’Altiplano, tutoie le ciel et l’ébullition du monde. L’autre, lovée dans ses palais blancs et ses patios andalous, murmure les souvenirs d’un passé royal. Entre désert et laguna, salar et sommet, de l’Alto au Titicaca, de Tupiza à Uyuni, La Paz et Sucre s’affrontent dans un match tout en altitude, histoire et lumière.
1
Plus qu’une ville, La Paz est un vertige. À 3 640 mètres d’altitude, c’est la capitale la plus haute du monde, une cité suspendue entre l’abîme et le ciel, enchâssée dans un canyon démesuré creusé dans l’Altiplano. Autour, l’immense banlieue d’El Alto veille tel un bouclier populaire, vivant, ardent. On y respire difficilement au début — le souffle manque, le cœur tambourine. Mais c’est précisément cette rareté de l’air qui donne à La Paz son mysticisme, sa tension électrique, son énergie brute. Le téléphérique — plus long réseau urbain aérien au monde — relie les hauteurs à la vallée comme une métaphore politique, entre modernité suspendue et chaos vertical.
À Sucre, le souffle se fait plus lent. Capitale constitutionnelle du pays, elle repose à 2 790 mètres, dans un climat printanier toute l’année, entourée de collines douces et d’un ciel laiteux. La ville blanche, comme on la surnomme, conserve une élégance andalouse dans son cœur historique classé à l’Unesco. Murs chaulés, balcons en bois sombre, couvents secrets : on y marche dans un rêve d’Espagne suspendu au cœur de l’Amérique précolombienne. Sucre apaise, elle enrobe. Là où La Paz bouscule, elle cajole.
Alex Millos / Stock Adobe
2
La Paz est une rampe de lancement vers l’imaginaire andin. À quelques heures de route s’ouvrent les horizons les plus saisissants du continent : le lac Titicaca, mer d’altitude cernée de mythes, où les îles del Sol et de la Luna semblent flotter hors du temps ; la vertigineuse route de la Mort, qui dévale depuis les cimes glacées vers les forêts tropicales ; les hauteurs de Chacaltaya ou le Nevado Illimani, géant de glace qui veille sur la ville comme un dieu tutélaire. Et plus loin encore, le désert blanc d’Uyuni, les lagunas surréalistes du Lipez, les reliefs rouges de Tupiza... Tous les grands voyages boliviens rayonnent depuis La Paz, comme si l’Altiplano s’y pliait pour mieux vous lancer vers l’infini.
Moins spectaculaire, Sucre invite quant à elle au voyage intérieur. C’est ici que naquit la Bolivie indépendante, ici que retentit le cri d’émancipation des colonies espagnoles. Le musée de la Casa de la Libertad en conserve l’écho. Mais Sucre est aussi un point d’ancrage pour explorer les trésors méridionaux : les mines argentifères de Potosí, les vallées fertiles où prospèrent les haciendas coloniales, les empreintes de dinosaures figées dans la roche de Cal Orck’o ou encore les marchés indigènes de Tarabuco. La ville se vit comme un roman historique aux pages toujours ouvertes.
Heiko / Meyer / LAIF_REA
3
À La Paz, rien n’est symétrique, rien n’est rangé. La ville dégringole des flancs de la montagne comme une avalanche de briques et de tôles, de néons et de câbles. Pourtant, dans cette anarchie urbaine surgissent des merveilles : l’église de San Francisco, chef-d'œuvre baroque-métis aux pierres sombres ; la Calle Jaén, ruelle précieuse aux maisons colorées ; le marché des sorcières, mi-théâtre, mi-mystique. Et surtout, l’architecture de Freddy Mamani, visionnaire de l’Altiplano, dont les édifices néo-andins flamboient à El Alto dans un délire psychédélique de verre et de chrome.
Sucre, elle, est une splendeur d’unité. De palais en couvents, de places en cloîtres, elle déroule une perfection coloniale aux couleurs nacrées. L’université San Francisco Xavier, fondée en 1624, fait dialoguer Renaissance espagnole et culture indigène. Le couvent de la Recoleta offre l’une des plus belles vues du pays quand les venelles de la vieille ville dissimulent derrière chaque porte des patios andalous baignés de lumière. Ville-mémoire, l’empreinte de son architecture révèle un passé glorieux, fondu dans la douceur de l’altitude.
4
Des klaxons, des vendeurs de rue, des bus brinquebalants, des marchés vertigineux, La Paz est une ville en transe qui ne dort jamais vraiment. C’est la Bolivie dans toute sa diversité : les Cholitas aux chapeaux melon, les fonctionnaires pressés, les étudiants contestataires, les devins, les traders, les indigènes, les gens de passage. Cette cacophonie est une vitalité. C’est un lieu d’inventions, de revendications, de passions. On y avance sans boussole, mais avec les sens en éveil.
Du côté de Sucre, la vie avance au rythme des pas du promeneur. Les bancs de la place 25 de Mayo s’emplissent de lecteurs, de familles, de vieillards contemplatifs. Les écoles de droit bruissent de débats, mais jamais avec fracas. Le dimanche, les marchés débordent de fruits, de tissus, de silences. Le rythme est lent, le regard se pose. C’est une ville pour les esprits calmes, les amoureux de lumière douce et de dialogues feutrés.
Solange Z / Getty Images
5
À La Paz, le pouvoir n’est pas seulement institutionnel, il est aussi culturel. Capitale de facto, elle réunit ambassades, universités, ministères, mais vibre surtout comme un laboratoire d’idées. Sur les hauteurs d’El Alto, les collectifs d’artistes font résonner le bitume de fresques engagées ; dans le centre, les musées alternatifs côtoient les ateliers d’artisanat contemporain. On y danse la morenada, on y célèbre la Gran Poder, fête démesurée où la ville entière se pare d’or, de plumes et de légendes andines. On assiste à des concerts dans des églises baroques, à des pièces de théâtre indigènes ou à des projections en plein air sur les places. La pensée y circule comme le vent : libre, indocile, créatrice.
Sucre, elle, cultive l’esprit dans la retenue. Capitale de jure, elle porte encore en elle l’empreinte fondatrice de la Bolivie indépendante. Ses bibliothèques anciennes, ses librairies confidentielles, ses cloîtres reconvertis en amphithéâtres en font un havre pour les intellectuels, les juristes, les historiens. L’université San Francisco Xavier – l’une des plus anciennes du continent – est le cœur battant de cette ville lettrée. On y suit des conférences ouvertes, des lectures de poésie sous les arcades, des expositions dans des galeries abritées derrière de lourdes portes de bois. Ici, la culture se murmure et s’étudie, loin du tumulte, entre pages anciennes et murs séculaires.
Brain Flaherty
6
La capitale culmine aussi dans l’assiette. Jadis nourricière et rustique, la cuisine paceña s’est hissée au sommet de la créativité andine. Entre les étals d’El Alto où fument encore les anticuchos, et les tables pionnières comme Gustu ou Ancestral, tout un continent se raconte en saveurs : chairo ancestral, quinoa rouge, truite du Titicaca, pommes de terre millénaires. À la nuit tombée, La Paz s’embrase. On grimpe sur les toits pour boire, danser, écouter du jazz au sommet. Entre vertige et ivresse, la ville vibre encore, comme suspendue au bord du monde.
Plus discrète, Sucre cultive le goût comme un art domestique. Ses plats phares — mondongo dominical, sopa de maní, empanadas encore tièdes — disent le lien entre cuisine et mémoire. Derrière ses murs chaulés, elle dissimule d’élégantes adresses : couvents devenus restaurants, marchés regorgeants de fruits de Tarija, tables d’hôtes pleines de grâce. Le soir, point de vacarme : quelques accords de guitare, un vin d’altitude, et les murs qui chuchotent leur mémoire.
Choisir entre La Paz et Sucre, c’est choisir entre l’éveil et le souvenir, entre la tempête et l’épure. L’une appelle les sommets, les grands départs, les marches au bord du souffle. L’autre invite à l’intimité, à la profondeur, à la lenteur. Il n’y a pas de duel véritable entre ces deux capitales. Il n’y a qu’une promesse d’équilibre. Il faut les vivre ensemble, comme deux voix d’un même poème, comme deux visages d’un pays qui regarde à la fois vers les étoiles et vers ses racines.
Par
JÉRÔME CARTEGINI
Photographie de couverture : Jessica Ellig / Getty Images
Enserrée entre des voisins d’importance, la Bolivie peine parfois à trouver sa place. Pourtant, on peut tout faire ici (ou presque) : filer dans le salar d’Uyuni, s’enfoncer dans les mines de Potosí, s’élever en téléphérique à La Paz, glisser sur le lac Titicaca… Autant d’options maîtrisées par nos conseillers. Chez Voyageurs, ils sont spécialisés par destination afin d’assurer une expertise affutée, nécessaire pour concocter une aventure sur mesure. À cela s’ajoute une logistique facilitée, des vols directs aux files prioritaires – idéal pour les tribus – en passant par le wifi nomade et un carnet truffé de bonnes adresses.
Faites créer votre voyageConseils pratiques, témoignages et inspirations pour bien préparer son voyage
Nos Conseillers spécialistes du pays délivrent pour vous leur Top 10 des spots immanquables et des plus beaux paysages à découvrir lors de son voyage en Bolivie.
02 octobre 2017 - Bolivie
Passer en quelques heures de la haute altitude des Andes à la touffeur de l'Amazonie, et de la richesse architecturale des villes coloniales à la sécheresse des déserts,
02 novembre 2016 - Bolivie
Récit de voyage Un cimetière de train, des mines en activité, des cultures surgies d’on ne sait où, disparues on ne sait pourquoi : voici un pays dont
07 août 2014 - Bolivie
Voyager en toute liberté selon ses envies,
ses idées, ses passions
250 conseillers spécialisés par pays et par régions : Amoureux du beau jamais à court d’idées, ils vous inspirent et créent un voyage ultra-personnalisé : étapes, hébergements, ateliers, rencontres…
À votre écoute : conseiller dédié, conciergerie francophone, assistance 24h/24, nos équipes vous suivent et adaptent en temps réel, pour un voyage à la fois libre et bien accompagné.
En famille, à deux, à dix, en road trip, en train, en bateau, en week-end, en tour du monde... : des voyages personnalisables à l’envi, bordés de services malins, pour voyager avec toujours plus de fluidité.