Publié 05 août 2019
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Oublié pendant vingt ans, le lac Balaton a retrouvé ses voiliers et ses baigneurs à bonnets. Une Hongrie doucement vintage et décalée.
L'autoroute M7 n’est pas mauvaise. On la quitte à la hauteur de Balatonaliga, en direction de Balatonfüred. La route 71 longe le nord du lac, jusqu’à Keszthely et Balatonszentgyörgy. Là-bas, à deux heures de route au sud-ouest de Budapest, tout est “Balaton quelque-chose”. Le voyageur ne peut ignorer où il se trouve. Étrangement, car longtemps durant le trajet, il ne voit que des rideaux de peupliers, d’acacias et de saules. Pourtant, non loin de Balatonfüred, un pli de terrain et une échancrure dans la végétation révèlent soudain un large à-plat d’eau scintillant. Puis, de nouveau, le paravent d’arbres. Si on ne séjourne pas dans la “capitale” régionale, où l’on trouve des hôtels Flamingó comme en Floride, on peut ne plus jamais voir le lac. D’une superficie de 596 kilomètres carrés, sa discrétion étonne.
Nous poursuivons jusqu’à l’apparition d’un fort relief et du panneau indiquant Tihany. De façon subreptice et discontinue, l’eau s’insinue aux abords de la chaussée, où stationnent locomotive, missile, voilier. Nous nous arrêtons à Zánka, porte du bassin de Káli, à peu près au mitan de la côte nord. La rue principale du village conduit soit à la plage, soit à l’église posée sur la colline. La rive septentrionale du lac Balaton est bordée de quelques coteaux qui le séparent de deux dépressions aplanies, Káli-medence et Pécselyi-medence. Les Romains ont les premiers planté des vignes sur ces levées. Puis, le village a dégringolé vers le lac. Une disposition commune dans le secteur.
La rue aboutit à un banc sous un platane, face à la nappe liquide. Sur le pourtour, c’est un embarcadère, ou un ponton, qui plante précautionneusement quelques pilotis et semble mener à l’infiniment peu profond – trois mètres en moyenne. Et l’on voit bien souvent les baigneurs indécis, qui ont pied longtemps, restés à quelques encablures du bord, émergeant à moitié.
On pénètre sur la plage via un tourniquet métallique, comme dans le métro. Au printemps ou en automne, l’accès est libre. L’été, face à la forte affluence, il en coûte quelques deniers. Le sable est du gazon. De grands arbres fournissent l’ombre. Les Hongrois viennent ici en solo, à deux, en bande ou en famille. Ici, nulle contrainte d’apparence : corps bodybuildés, tatoués, filiformes ou plus rebondis et à l’adiposité paisible se côtoient.
Les enfants courent autour des glacières quand ils ne profitent pas des toboggans. Cabines, douches, bancs, transats…, l’équipement est discret mais fonctionnel. Buvettes, restaurants, guitounes à lángos (petits pains en forme de galette cuits dans l’huile) assurent l’intendance. Lorsque les baigneurs sont partis, les pêcheurs s’installent. Une fois l’appât placé et la canne fixée à l’horizontale, ils semblent entrer en méditation. À la dernière heure du jour, lorsque le ciel et l’eau font varier indéfiniment toutes les nuances de bleu, les pêcheurs aussi se parent d’azur, devenant diaphanes. Les radios éteintes, le silence lui-même bleuit, seulement souligné par le frisson des roselières. Il est grand temps d’aller se sustenter et de goûter le poisson local (d’élevage, car les prises qui sont faites dans le lac ne peuvent être commercialisées), arrosé d’un Fröccs, rafraîchissant mélange de vin et d’eau gazeuse en proportions variables.
Pour voir de haut l’aluminium étincelant du lac, on part pour Csopak, à l’est de Balatonfüred. On s’installe sur la terrasse du domaine Jásdi, au milieu des ceps, où l’on se délecte de vins exprimant les bigarrures du sol avec cohérence et finesse. La tectonique a donné naissance au Plattensee (Balaton en allemand), elle a aussi fait le lit du vin. Au lever du soleil, la péninsule de Tihany ressemble à un roller coaster plongeant dans le lac. On randonne dans le parc national – les sentiers et les points de vue sont réjouissants. Dans sa partie ancienne, le village de Tihany possède de jolies maisons traditionnelles, vouées au commerce de la lavande et de tout ce dont l’artisanat local entend séduire les voyageurs. Son abbaye bénédictine met un baroque triomphal au service de la mémoire hongroise. Au parapet du jardin, on perd ses forints (la devise hongroise) à ne voir que du bleu dans les longues-vues.
Plus dans les terres, au nord-ouest de Zánka, le site basaltique Hegyestu, à Monoszló, fait belvédère sur la campagne arlequinée du bassin de Káli. Il suffi t de suivre les petites routes, de village en village, pour s’étourdir des odeurs et des lumières clignotantes d’une ravissante contrée. Les églises dressent leurs clochers blancs sur le moutonnement vert des forêts et des prés, envahis de coquelicots ou peuplés d’animaux. Longues ondulations du paysage. Des buttes très érodées ponctuent la plaine.
Pour finir le voyage, un retour à Balatonfüred s’impose. À la Belle Époque, la double monarchie y venait en cures thermales pour soigner ses affections cardiaques, s’y ventiler et promener ses uniformes et ses robes à tournure. Les beaux édifices néoclassiques de la rue Blaha Lujza et les grandes villas de la rue Honved témoignent du passage de ces élégants. Un peu plus bas, on déambule bourgeoisement sous les arbres de la promenade Tagore. Parmi les nombreuses statues célébrant des illustres, celle de Sandor Korösi Csoma (1784-1842), linguiste et fondateur de la tibétologie, regarde avec attention les pédalos dauphins multicolores qui dodelinent à l’amarre.
De jeunes mariés posent pour des photos. Un accordéoniste joue des csárdás (airs traditionnels pour la danse de couple, à deux ou quatre temps) un peu asthmatiques. Dans la marina, les gréements claquent clair et métallique. De petits bateaux à ponts couverts emportent les touristes pendant que les voiliers processionnent le long de la côte de Tihany, bientôt simples esquilles pâles dans la brume de chaleur. Selon le photographe britannique Martin Parr, auteur entre autres de Life’s a Beach, un livre-objet sorti en 2012 : “On peut en apprendre énormément sur un pays en regardant ses plages…” Le lac Balaton ne fait pas exception.
Par
EMMANUEL BOUTAN
Photographies
FLORENCE JOUBERT
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