Magazine de voyage - Le Mag Voyageurs du Monde

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Où partir en 2026 ?

Si la plupart des pays du monde ont déjà attiré l’attention des voyageurs, certains petits bouts de territoires sont miraculeusement restés sous les radars touristiques. Parce qu’ils sont discrets, relégués au second plan par d’autres sites « incontournables », ou parce qu’ils demandent un peu plus de logistique. En 2026, nous vous proposons d’explorer ces régions, villes, îles et péninsules encore méconnus. Et de ne pas trop en parler.   1 Dunton Hot Springs, Colorado, USA En 2026, les États-Unis d’Amérique fêteront le 250e anniversaire de leur indépendance et le Colorado ses 150 ans dans l’Union. Pour l’occasion, on n’hésite pas à s’enfoncer dans les entrailles de cet État tout en reliefs et en paysages minéraux. Dans les San Juan Mountains, au cœur des Rocheuses, on joue aux cow-boys et cow-girls en posant ses malles à Dunton Hot Springs, ancienne ville minière aux airs de ghost town tout droit sortie d’un western. On loge dans une cabane en rondins, on crapahute dans les alentours et, surtout, on laisse filer le temps, immergés dans les bassins alimentés par les sources chaudes naturelles dont les bienfaits sont connus depuis plusieurs siècles. Lucy Laucht   2 Romblon, Philippines Parmi les 7600 îles qui composent les Philippines, il fallait bien que certaines échappent aux flashs et à Instagram. C’est le cas d’un archipel dont on ose à peine chuchoter le nom tant sa tranquillité est précieuse : Romblon. C’est également le nom de l’île principale qui, avec celles de Tablas et Sibuyan, dessine un cadre de rêve pour les amateurs de sable farine et d’eaux transparentes. Là, entre lagon et mangrove, on étudie l’art du farniente dans sa version philippine, on plonge dans des trous bleus peuplés d’êtres merveilleux, on se baigne au pied de cascades à la beauté folle et l’on savoure une délicieuse solitude. kbarzycki / Adobe Stock   3 Ombrie, Italie Poumon vert de l’Italie à la croisée de la Toscane, des Marches et du Latium, l’Ombrie est aussi l’un de ses plus généreux garde-manger. C’est au cœur de ses collines et plateaux verdoyants plantés de chênes que s’épanouit la fameuse truffe noire – star du festival hivernal Nero Norcia – qui accompagne si bien les spaghetti alla norcina, préparés avec de l’huile d’olive et des anchois. La région s’appréhende, fourchette à la main, à travers le prisme d’un terroir gourmand : les haricots du lac Trasimeno (quatrième plus grand lac du pays), le céleri de Trevi, le jambon de Norcia, la torta al testo de Pérouse, les cépages rouges de Montefalco et ce vin doux dans lequel on trempe les tozzetti. Au hasard des vallées, on croise de fières cités au patrimoine éloquent ourlées de vignes, de petits patelins bourrés de charme entourés d’oliviers, des châteaux-hôtels romanesques et, partout, de précieuses tables où l’on reçoit divinement bien. Droits Réservés   4 Lac Tanganyika, Tanzanie On n’en voit pas le bout. Véritable mer enclavée entre le Congo, le Burundi, la Zambie et la Tanzanie, le géant Tanganyika est, avec ses 673 km, le plus long lac d’eau douce du monde. C’est aussi l’un des plus profonds – jusqu’à 1435 mètres par endroits –, n’étant battu que par le lac Baïkal, en Russie. Des chiffres record qui n’ont d’égal que l’incommensurable richesse de l’écosystème local, que l’on doit notamment aux nombreuses rivières qui alimentent le lac. En abordant le Tanganyika par la rive tanzanienne, on multiplie les chances de rencontres : avec les pêcheurs des petits villages disséminés le long du rivage, avec les innombrables poissons cichlidés (plus de 200 espèces) et les crocodiles, hippopotames, aigles ou hérons qui vivent autour du lac. Sans oublier les fascinants chimpanzés des monts Mahale voisins que l’on explore entre deux séances de contemplation sur sable fin. Bonne nouvelle : tout cela fait l’objet, depuis 2025, d’un programme de préservation mené par les Nations Unies. Droits Réservés   5 Mompox, Colombie Quiconque a lu Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez aura assurément, en pénétrant Mompox, une impression de déjà-vu (lu ?). Originaire de la région, le célèbre auteur colombien se serait en effet inspiré de cette ville mystique pour dresser le cadre de plusieurs de ses romans. On ne peut nier à cette bourgade un certain « réalisme magique » et, surtout, beaucoup de caractère, dans tous les sens du terme – Santa Cruz de Mompox fut la première ville colombienne à déclarer son indépendance (1810). De sa fondation coloniale et de sa prospérité passée, due à sa position stratégique sur le fleuve Magdalena, la bourgade a hérité un patrimoine architectural à la préservation exceptionnelle où brillent notamment l’église de San Francisco, la place de la Liberté, les façades baroques des maisons de marchands du XVIe siècle, mais aussi les bijoux en filigrane, art merveilleux de sculpter les plus menus fils d’or ou d’argent. Macondo, cité perdue au centre du réalisme magique de « Gabo », existerait donc bel et bien… Grant Harder / Kintzing   6 Scanie, Suède Voilà quarante ans que le festival de Malmö réunit chaque été dans ses rues une épatante scène musicale et artistique. Un évènement d’ampleur qui, à travers de nombreux ateliers, marchés et performances de rue, fait vibrer la plus grande ville de la région. Mais cette dernière est aussi, pour les amateurs d’outdoor, un excellent point de départ pour explorer la Scanie, comté bucolique du sud du pays où les rives de la Baltique flirtent avec le charme de la campagne suédoise. On se prend au jeu de la carte postale scandinave, emménageant pour l’occasion sous le toit de chaume d’une bâtisse du XVIIe siècle, allant d’une ferme à une autre et goûtant aux excellents produits du terroir local. Des vacances au vert et au calme. Ashley Camper / Gallery Stock   7 Athènes, Grèce Non contente de ses sites antiques et de ses musées aux collections richissimes, la capitale grecque se dote, à partir de 2026, d’un immense musée d’archéologie sous-marine où, sur 26 000 m², seront retracés trois mille ans d’histoire maritime. Un projet qui s’intègre dans une volonté de réhabilitation du port du Pirée, connu des voyageurs pour être le tremplin vers les îles lumineuses de la belle Hellène. Mais au-delà de son paysage muséal dynamique, c’est toute la ville d’Athènes qui est en mouvement constant, à l’image du quartier de Metaxourgeio, aujourd’hui refuge d’artistes et de créateurs, de celui de Pangrati, dynamisé par le musée Goulandris d’art contemporain, mais aussi du microcosmique quartier de Psyrí, à la scène culinaire effervescente. Athènes est une ville à vivre, à sentir et à goûter où l’on ne se lasse pas de revenir. Pia Riverola   8 Northland, Nouvelle-Zélande Tout au nord de la Nouvelle-Zélande pointe une péninsule au climat doux, aux collines boisées et au littoral sauvage, trempant à la fois dans l’océan Pacifique et la mère de Tasman. Le Northland fait partie de ces territoires où la nature n’a jamais vraiment perdu ses droits – comme en témoignent les arbres kauris de la forêt primaire de Waipoua dont certains sont âgés de plus de 2000 ans. Et on lui en octroie même de nouveaux – en 2025, le volcan endormi Taranaki s’est vu officiellement accorder la personnalité juridique, prenant la suite du parc Te Urewera en 2014 et du fleuve Whanganui en 2017. Des décisions qui marquent une volonté de préservation, mais aussi de réparation vis-à-vis des tribus maories et de leurs valeurs. Annapurna Mello / Kintzing   9 Boukhara, Ouzbékistan L’héritage de Boukhara est incommensurable. Cette ville-oasis posée au milieu du sable rouge du désert du Kyzylkoum – et sur la route de la Soie – a survécu à maints soubresauts historiques. Sa sublime architecture médiévale, restaurée avec talent, semble tout bonnement inébranlable.  Pour s’en persuader, on déambule du côté de la majestueuse citadelle Ark, des mausolées de Tchachma Ayoub, des Samanides ou des médersas d'Oulough Beg et Abdoul Aziz Khan, près de la nécropole de Tchor Bakr ou du palais d'été Sitoraï Mokhi Khossa. Un héritage ô combien précieux qui n’empêche pas l’attachante cité de s’ouvrir à d’autres formes d’art, plus récentes – elle accueille à partir de septembre 2025 la Biennale d’Art contemporain. John Laurie / Kintzing   10 Tinajani, Pérou Dans l’ombre des légendes de Cuzco et du Machu Picchu, de l’immensité du lac Titicaca et des joies gastronomiques de Lima, plusieurs secrets péruviens restent encore bien gardés. C’est notamment le cas du canyon de Tinajani, au sud-est du pays, où la civilisation pré-inca Qaluyo vivait déjà il y a trois mille ans. On se retrouve ici dans de déroutants paysages de western semés de formations rocheuses vertigineuses. Un lieu sublime et encore peu fréquenté, que l’on peut aborder de différentes manières, y compris en choisissant de dormir sous la toile d’un camp dont l’esthétique épurée se fond avec grâce et discrétion dans ces terres minérales. L’autre Pérou. Droits Réservés   Par ELÉONORE DUBOIS   Photographie de couverture : Brian Chorski / Kintzing

Les plus belles destinations de voyage en famille

Été comme hiver, joues rougies par le froid ou sable entre les orteils, les enfants ont cette capacité à s’émerveiller de tout, à voir ce que l’on ne voit pas. Et c’est aux âges où les sens et les idées se façonnent que les voyages ont le plus grand impact sur eux. Des territoires porteurs de rêves reçoivent les familles tout en douceur, aux abords de l’équateur ou à l’orée du pôle Nord, les menant à la rencontre de tous ces autres qui composent le monde. Voici notre sélection des 6 plus belles destinations pour voyager en famille.   Groenland Islande Laponie finlandaise Ile Maurice Costa Rica Afrique du Sud 1 Groenland Hiver – 12/17 ans Le Groenland avec ses enfants, vraiment ? De prime abord, les ados risquent d’être un peu désarçonnés. Mais ça, ce sera avant d’entrevoir le potentiel photogénique de cette terre sauvage, avant de repérer, au large de la baie de Disko, la queue d’une baleine à bosse, avant de vivre, ébahis, leur premier soleil de minuit. Puis, ils s’improviseront reporters dans les petits villages aux maisons colorées, naturalistes sur la trace des pingouins et renards polaires, explorateurs face aux immenses glaciers et icebergs grondants.   Anna Maria Jakobsen/Visit Greenland 2 Islande Hiver – 0/5 ans Ils vont pousser des “ouaaaah” devant la puissance du geyser de Geysir, des “haaan” face aux impressionnantes chutes de Gullfoss, des “oooh” devant les chevaux-peluches galopant dans l’herbe vert fluo. Certains feront peut-être leurs premiers pas sur le sable noir des plages volcaniques, leur premier plouf dans ces piscines en plein air que les Islandais affectionnent tant, ou diront leur premier mot un soir d’aurores boréales. En Islande, tout est possible. Jules Verne y avait bien situé l’entrée vers le centre de la Terre… Vakta House 3 Laponie finlandaise Hiver – 5/12 ANS Des rennes, des rennes… et encore des rennes ! Pas étonnant que le Père Noël se plaise ici. La neige recouvre tout, y compris les petits chalets en bois dignes de contes de fées. Pour se déplacer dans ce royaume ouaté, c’est pas coton : on grimpe à bord d’un traîneau et hop, une joyeuse meute de chiens nous emmène à toute vitesse vers une autre aventure : une balade en raquettes, un tour en ski de fond, un safari à motoneige… La Laponie a plus d’un tour dans sa hotte ! Evgenij Yulkin/Stocky United 4 Ile Maurice Été – 0/5 ans Le bleu de l’eau, le blanc du sable, le vert des pitons, le rouge des couchers de soleil… Au bord du lagon, on révise les couleurs. Les chiffres aussi : un dauphin, deux noix de coco, dix sourires. Entre les siestes à l’ombre des palmiers, Maurice éveille les sens en douceur. Les épices du marché titillent les narines, la mangue glisse entre les doigts, les nageoires colorées ondulent sous la surface, se rapprochent… Jusqu’aux éclats de rire ! Les premières fois sont encore plus belles sous le soleil.   Dana Neibert/Gallery Stock 5 Costa Rica Été – 5/12 ans Bang ! Un singe vient de sauter sur le toit. Les toucans grognent et les perroquets pérorent à tout-va. Ils en font du barouf ces habitants de la jungle ! Les iguanes et les paresseux, eux, sont si calmes qu’on a parfois du mal à les voir. Alors, on multiplie les postes d’observation : au-dessus de la canopée à flanc de volcan, en bateau dans la mangrove, sur une planche côté Pacifique… Au Costa Rica, chaque pas entraîne une nouvelle rencontre, chaque rencontre tisse un nouveau lien avec la nature.   Jessica Lynn Culver/Getty Images 6 Afrique du Sud Été – 12/17 ans À peine arrivé, on est tout de suite dans le bain, ou plutôt le bush. Vélo, rando, jeep… : tous les safaris mènent aux Big Five. Les ados travaillent leur œil de photographe, leur patience aussi, face à une faune qui ne s’adapte à personne. Dans le parc Kruger, lions, hyènes, koudous et aigles passent dans leur champ de vision, les laissent sans voix. Devant les fresques urbaines du Cap, ils retrouvent leur verve, s’étonnent d’un rien, s’enrichissent de tout. L’Afrique du Sud a des pouvoirs magiques.   Faustine Poidevin   Par ELEONORE DUBOIS   Photographie de couverture : Carol Sachs

L'Art des musées démesurés

Depuis vingt ans, le Golfe investit ses pétrodollars dans la culture : marchés, grandes foires et musées à visibilité internationale. Certains édifices, monumentaux, imaginés par des architectes stars, méritent le voyage à eux seuls.   Première pierre du vaste projet de district culturel lancé en 2007 dans la capitale des Émirats arabes unis, le Louvre Abu Dhabi est le musée inaugural et universel du monde arabe. C’est aussi l’une des réussites majeures de l’architecte français Jean Nouvel. Sous une coupole d’acier – dont le poids avoisine celui de la tour Eiffel – qui forme un plafond ajouré de 8000 étoiles de métal, l’espace se déploie comme une médina. La superposition des voûtes filtre le dur soleil, et crée des jeux de lumière évoquant les ombres mouvantes des palmeraies.   Des prouesses architecturales et sensorielles Avec ses 55 bâtiments qui accueillent les expositions permanentes et temporaires, un auditorium, un restaurant et un café, avec ses collections d’œuvres prestigieuses – prêts du Louvre et de douze autres institutions françaises –, le Louvre Abu Dhabi s’impose comme une destination culturelle en soi. Des terrasses de l’édifice, d’autres musées commencent à se dresser : l’un, historique, sous la houlette du British Museum (conçu par Norman Foster), l’autre, moderne et contemporain, sous celle du Guggenheim (dessiné par Frank Gehry, comme celui de Bilbao). À Doha, Jean Nouvel a achevé en 2019 un autre chantier, non moins ambitieux, après dix-huit ans de gestation. Dans la course aux plus beaux bâtiments que se livrent Émirats arabes unis et Qatar, celui-ci, le Musée national du Qatar, ne manque pas de spectaculaire : là aussi, l’architecture du lieu vaut le voyage. Inspiré de la rose des sables et de ses concrétions aléatoires, c’est un agencement de disques de béton géants aux dimensions variables : 40 000 mètres carrés, entre sable et mer. Une prouesse architecturale doublée d’une expérience sensorielle rendue possible grâce aux nouvelles technologies. Ce “caravansérail moderne”, selon les mots de l’architecte, raconte l’histoire du pays (de -700000 ans à nos jours). Ce nouveau symbole de la puissance du petit émirat s’ajoute au Musée d’art islamique – imposant navire blanc signé de l’architecte chinois Ieoh Ming Pei, écrin d’une collection historique sans équivalent dans la région (érigé en 2008) – et à la monumentale bibliothèque de Rem Koolhaas (2018). Si la compétition entre Émirats arabes unis et Qatar se poursuit, entraînant pléthore de projets muséaux plus titanesques les uns que les autres, les amateurs d’art doivent aussi envisager un voyage en Arabie saoudite. La capitale, Riyad, ambitionne d’ouvrir d’ici 2030 plusieurs musées pour mettre en valeur le majestueux site antique d’Al-Ula et ses tombeaux nabatéens taillés dans la pierre. Décidément incontournable, Jean Nouvel a poursuivi sa collaboration avec les monarques de la péninsule Arabique, en érigeant cette fois-ci un hôtel troglodytique dans les canyons de roche ocre d’Al-Ula. Gageons que le trésor archéologique local, jumeau de la célèbre nécropole de Pétra, jusqu’ici fermé aux visiteurs, brillera bientôt sur la carte du tourisme mondial. Mohamed Somji/Louvre Abu Dhabi   Photographie de couverture : Joshua Davenport - stock.adobe.com

Le meilleur de la cuisine japonaise

Entre respect des produits et saisonnalité, la cuisine japonaise se savoure avec les cinq sens et promet à elle seule un dépaysement. Si le washoku, la tradition culinaire japonaise, est inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'Unesco, on aime aussi la cuisine du quotidien, égayée de fermentations artisanales à base de soja, de riz ou de poisson qui donnent du peps même aux plats les plus simples. Les mangas et le cinéma ont rendue célèbre la cuisine nippone sur toute la planète – des films de Ozu à ceux de Naomie Kawase, des petits pains à la pâte de haricots rouges du Voyage de Chihiro aux ramens de Naruto – et on plébiscite sa version mondialisée dans toutes les capitales du monde. On aime aussi la goûter en version originale, dans les ryokan de Kyoto ou les cantines de Tokyo.   Le riz Parmi les ingrédients fondamentaux de la gastronomie japonaise, le riz, servi à chaque repas, occupe une place centrale – à la fois base de l'alimentation et symbole de prospérité. Le riz à grains courts est cuit à la vapeur ou bouilli, presque toujours servi nature pour laisser place à sa saveur douce. Pour changer des sushis, on croque un onigiri, triangle de riz cerné d’algue nori, qui réserve en son cœur une surprise gustative : « umeboshi », petite prune séchée et salée, kombu, ou encore thon mayonnaise. On le trouve dans toutes les épiceries ouvertes 24h/24 ; on l’emporte en balade, en pique-nique, dans le train... On adore aussi les mochis, douceurs sucrées et régressives, bouchées de pâte de riz cuit à la vapeur, fourrées selon les saisons de pâte de haricots rouges, de sésame ou d’arachide. Vinn Koonyosying/Unsplash.com   Le soja : miso, tofu et edamame La culture du soja s’est développée au Japon en même temps que celle du riz, il y a plus de 2000 ans. Élément central des repas traditionnels kaiseki, la légumineuse est aussi dans toutes les assiettes du quotidien, du petit déjeuner au dîner. Le tofu est issu de lait de soja coagulé et pressé pour former une consistance ferme ou soyeuse. Il peut être frit, mariné ou consommé nature, sa texture douce et son goût neutre se mariant facilement avec diverses saveurs. Le miso, pâte fermentée à base de soja, est un condiment essentiel de la cuisine japonaise. Largement utilisé pour préparer soupes, sauces et marinades, il varie en teinte, goût et intensité selon les régions du Japon. La sauce soja est un autre incontournable, produite par la fermentation de graines de soja et de blé torréfiées. Au Japon, les shoyu révèlent richesse aromatique – entre acide, amer et fumé – et longueur en bouche, parfois déroutantes pour nos palais de néophytes, mais qui en font un ingrédient clé pour assaisonner une grande variété de plats, des sushis aux ramen en passant par les légumes sautés. Et bien sûr l’indispensable edamame, la fève de soja verte, servie à l’apéritif, légèrement salée – parfaite pour accompagner une bière fraiche ! Carol Sachs   Les nouilles : ramen, soba et udon Au Japon, c’est assis au comptoir d’une gargote de rue, dans la promiscuité du coude-à-coude, que l'on savoure les meilleurs bols de nouilles – plats de réconfort, plébiscités pour leur simplicité et leur richesse nutritive. Nouilles de blé d'origine chinoise, les ramen sont servis dans un bouillon de viande, porc ou volaille, assaisonnés de sauce soja ou de miso, avec des pousses de bambou, des germes de soja, des oignons verts, du nori, des œufs mollets – et les indispensables tranches de porc marinées. Slurp – il faut aspirer bruyamment les nouilles, à la japonaise !  Les udon sont des nouilles épaisses, fabriquées à base de froment. Souvent servies dans un bouillon dashi léger, elles peuvent aussi être dégustées froides, avec du shoyu. Les soba sont fabriquées avec une farine de sarrasin, qui leur donne leur délicate saveur de noisette. Victor Ung/Unsplash.com   ... et les raviolis On aime aussi les gyoza, raviolis en forme de demi-lune inspirés des jiaozi chinois, farcis de porc haché, de chou, d’émincé de poireau, d’oignon vert, de gingembre, de sésame et d’ail. Les gyoza sont traditionnellement cuits en les faisant d'abord frire légèrement dans une poêle, puis en les cuisant à la vapeur pour créer une texture à la fois croustillante sur le fond et tendre sur le dessus. Servis avec un riz blanc et une petite salade de soja, les gyoza se trempent dans une sauce shoyu relevée de vinaigre et d’un peu d'huile de sésame, un équilibre entre salé, acide et umami. Un plat simple et équilibré qui a tout pour plaire – c’est pour ça qu’il est si populaire, au Japon et partout ailleurs ! Angela Roma/Pexels.Ccom   Les tempura Introduite au Japon au XVIe siècle par des missionnaires portugais, la friture japonaise sublime légumes, poissons et crustacés. Champignon shiitaké, artichaut, aubergine ou fleur de courgette, merlan, seiche ou calamar, crevette : les déclinaisons sont infinies, aériennes et croustillantes. Quand elle est réalisée dans les règles de l’art, la friture, légère, permet de conserver toutes les textures et les saveurs du légume, poisson ou crustacé.  Dans les bistrots japonais, les tempura s’accompagnent de soba, de udon ou d’un simple bol de riz. Traditionnellement, la sauce est composée de bouillon dashi, de mirin, de sauce soja et de daïkon. Kouji Tsuri/Unsplash.com   Le thé Rituel établi au XVe siècle, la cérémonie du thé, chanoyu (ou sado, le « chemin du thé »), est une chorégraphie aux gestes lents – plus qu’un moment de dégustation, une pratique spirituelle, une manière de s’imprégner d’un savoir-être pour atteindre l’harmonie. Dans le Japon contemporain, où il est courant d’accompagner le repas de thé vert, la consommation de thé est bien loin de ce rituel qui exige une attention à chaque geste et une présence entière. De fait, on n’est pas contraint de sacrifier au rituel ni à ses codes pour apprécier un thé matcha. On peut même lui préférer le sencha, préparé à partir de jeunes feuilles de thé cuites à la vapeur puis roulées et séchées, aux notes acidulées et végétales, ou le genmaicha, un mélange de thé vert et de riz soufflé, au léger parfum de noisette. Carol Sachs   Par MARION OSMONT   Photographie de couverture : Carol Sachs  

Les Cotswolds, une Angleterre chic et bucolique

Les Cotswolds, avec leurs collines verdoyantes et vallonnées, incarnent la quintessence de la campagne anglaise. Propice à l’imaginaire, cette région bordant les comtés de l’Oxfordshire et du Gloucestershire, parsemée de villages bucoliques, a inspiré les plus grands écrivains, de Jane Austen à Lewis Carroll, de Beatrix Potter à J. R. R. Tolkien. À moins de deux heures de Londres, elle est aujourd’hui le refuge chic de la gentry anglaise, Kate Moss ou Stella McCartney en tête. Au Moyen Âge, les Cotswolds ont prospéré grâce au commerce de la laine, et les marchands médiévaux ont édifié ici des manoirs majestueux, des abbayes et des églises. Lorsque les guerres et la révolution industrielle ont fait péricliter leur commerce, les villages ont dépéri, devenus trop pauvres pour se moderniser. Redécouverts au XXe siècle, les Cotswolds protègent aujourd'hui leur anachronisme : aucune construction n’est autorisée sans l'approbation d'un comité d'urbanisme strict et rien ne vient abîmer ni le cachet des villages, ni les paysages étonnamment préservés. À soixante-dix kilomètres de la capitale, on a le sentiment d’un voyage dans le temps, il y a trois ou quatre siècles. On fait halte à Cirencester et à Gloucester – où l’on voit la cathédrale gothique et son cloître aux voûtes à éventail, cher au Poudlard de Harry Potter. Mais le plus grand charme des Cotswolds réside dans sa campagne – la région a été classée, dès 1966, pour sa beauté exceptionnelle : Area of Outstanding Natural Beauty (AONB) – et dans ses villages enchanteurs. Tour d’horizon.   Bibury Situé dans la vallée de la rivière Coln, blotti entre deux collines, Bibury est l’un des villages les plus renommés des Cotswolds, considéré parmi les plus beaux de tout le pays. Ses maisons aux toits d'ardoise se dressent les unes à côté des autres, fleuries de rosiers anciens. Des murs de pierres sèches bordent ses rues sinueuses, cernées de jardins et de pâturages à l’herbe grasse : Bibury semble tout droit sorti d’un conte de fées. Son nom dérive du mot saxon « bibb » (ruisseau) et « bury » (lieu).  Ancien centre important de filature de laine, il conserve la trace de ce passé prospère : le Arlington Row, peut-être le site le plus emblématique des Cotswolds, est un ensemble de cottages qui furent les habitations des tisserands. Avec leurs façades caractéristiques en pierre calcaire, leurs toits de chaume et leurs fenêtres à petits carreaux, ils sont l’incarnation même du charme pittoresque des Cotswolds. Carole Sachs   Bourton-on-the-Water Traversé de rivières et ruisseaux, Bourton-on-the-Water est un village de carte postale, surnommé « la Venise des Cotswolds ». Ses maisons de pierre ambrée et ses jardins fleuris, ses ponts de pierre, ses rives bordées d’arbres et ses paysages enchâssés en font l’endroit parfait pour une promenade tranquille – avant une pause thé-scones-confiture.   The Slaughters (Upper and Lower Slaughter) Ces deux petits villages jumeaux, moins fréquentés que d’autres, sont pourtant d'une beauté incroyable. À Upper Slaughter, on visite la belle église qui date du XIIe siècle. On adore l’ambiance enchanteresse de Lower Slaughter, traversé par la rivière Eye, avec ses ponts de pierre et ses jolis cottages.   Castle Combe Niché dans une vallée boisée, ce village en pente, scindé en deux parties par un ruisseau, est l’un des plus authentiques des Cotswolds, avec ses maisons en pierre et ses jardins fleuris d’euchères, d’hostas, de roses et de glycines. S’y promener est un véritable voyage dans le temps. Avec son pont en pierre et ses paysages enchâssés, il a d’ailleurs servi de décor à de nombreux films et séries dont la cultissime Downton Abbey. Carole Sachs   Stow-on-the-Wold Situé sur une colline, à la jonction de plusieurs routes principales (dont une voie romaine qui atteste de son âge ancien), c’est l’un des plus grands villages des Cotswolds. Le bourg est réputé pour sa place du marché, qui date de 1107 : à son apogée, plus de 20 000 moutons y étaient vendus – c’était alors l’épicentre du commerce de la laine. Aujourd'hui, la place est cernée de bâtiments en pierre dorée datant du XVIe siècle, qui abritent des magasins d'antiquités, des galeries d'art et des pubs.   Painswick Parfois appelé « la Perle des Cotswolds », Painswick est un beau village, entre ruelles pavées et façades calcaires. Il faut aller voir l’église Saint-Mary et ses allées bordées d’ifs. Mais si l’on se rend à Painswick, c’est surtout pour visiter le jardin rococo – unique en Grande-Bretagne – situé en contrebas du manoir, demeure de style géorgien construite en 1730 par Charles Hyett pour échapper au smog. Parsemé de folies, le jardin est parcouru de sentiers sinueux et de pièces d’eau. Il est fleuri d’un désordre de centaurées, ancolies, cosmos, verveines de Buenos Aires... magique ! On aime aussi le jardin potager, dominé par un bâtiment circulaire en bois blanc, tout en arcs gothiques, créneaux et pinacles, planté de variétés potagères anciennes, de pommiers et poiriers en espaliers. Matthew Williams-Ellis/Adobe Stock   The Cotswold Way Il faut absolument emprunter le sentier de grande randonnée The Cotswold Way, un itinéraire de près de 200 km qui traverse du nord au sud le flanc ouest de la région, en passant par Chipping Campden, Broadway, Cheltenham et jusqu’à Bath. Son tracé permet de découvrir les plus beaux paysages de la région, entre prairies et forêt de hêtres. Il suit les crêtes et, depuis le sommet des collines, on profite de vues imprenables qui s'étendent sur des kilomètres : des pâturages verts, des chaumes fauves de foin coupé, des haies et des murs de pierre qui dessinent des motifs sur les collines ondulantes. Si les villages des Cotswolds sont tous plus charmants les uns que les autres, la campagne qui les entoure est, tout simplement, incroyablement belle – certains la considèrent comme la partie la plus anglaise de l'Angleterre.     Par MARION OSMONT   Photographie de couverture : Alixe Lay

Voyage en famille en Thaïlande

Quelque part entre Bangkok et la baie de Phang Nga, sur un longtail face aux “îles Poufs”, en courant derrière les crabes ou en dégustant une mangue fraîche, on a soufflé le goût des voyages à notre enfant. On a piqué la curiosité de notre fille, on lui a montré qu’un monde se cachait derrière son horizon, on lui a donné envie d’aller voir plus loin, jusqu’au bout de ses rêves.   L'éveil au voyage "J’aimerais retourner en Thaïlande comme si c’était la première fois", soupire mélancoliquement notre conseiller lors de la réservation de nos billets. Qui ne souhaiterait pas s’envoler vers l’Asie comme si c’était la toute première fois ? Revivre après quelques heures d’avion seulement ce dépaysement si surprenant, cette bouffée d’air épais, chargé d’humidité, d’odeurs sucrées. Atterrir à Bangkok, traverser le hall d’arrivée fourmillant de l’aéroport et, les yeux lourds, les oreilles bourdonnantes, les bras chargés, tout à coup, se sentir délestés. Ici, l’hiver est très très loin… Nous laissons tout derrière nous : le mois de janvier qui n’en finit pas, les allers-retours à la crèche sous la pluie, les virus qu’on se refile à l’infini, et l’on (re)découvre le royaume de Siam à travers les yeux émerveillés de notre bébé. Autour des cous, d’odorants colliers de phuang malai se balancent et l’air du van climatisé se charge petit à petit de ce si caractéristique parfum de jasmin. Notes florales, fraîcheur subtile, douceur et euphorie s’emparent de notre petite famille. Le conducteur zigzague entre les ponts suspendus, le brouillard plombe le ciel et à l’est de la ville le soleil perce à peine. Entre coups de klaxons et virages serrés, les couleurs explosent, les sens s’éveillent, les moteurs vrombissent et Bangkok se révèle. Sur nos genoux, Romy-Jane, 15 mois, pointe déjà tout du doigt. “Ça ?”, montre-t-elle, un point d’interrogation dans la voix. Avec elle, l’ensemble prend une dimension hallucinante. Quel bouleversement ce doit être de se retrouver d’un coup propulsé si loin de ses repères ? Pourtant, rien ne semble perturber ce bébé, pour qui l’essentiel, finalement, est d’être près de nous tout le temps. Faustine Poidevin-Gros   Premiers pas en Thaïlande D’un coup de volant expert, notre chauffeur quitte les artères palpitantes de la bouillonnante mégalopole pour pénétrer dans un véritable écrin de luxe et de tranquillité. Plus intime que la plupart des hôtels de prestige de Bangkok, The Siam réserve un accueil doux et chaleureux. Vêtu d’un sarong élégant, Pong, notre majordome, nous attend. Tandis que l’on admire affiches anciennes, gramophones, meubles antiques, clins d’œil vintage et touches coloniales qui se répondent harmonieusement, Romy-Jane, elle, barbote déjà joyeusement dans un des bassins d’eau fraîche, jouant parmi les fleurs de lotus. Paris semble vraiment loin. Nous qui avions prévu moult siestes réparatrices, stratégies du sommeil et calculs élaborés pour combattre le jet-lag et réorganiser le rythme circadien du bambin, sommes surpris par l’élan de vitalité que cette ville éveille en nous. À peine le temps de se changer que déjà nous voilà installés sur une confortable barge en bois de teck, glissant le long du Chao Phraya, fleuve des rois. “Bateau sur l’eau”, nous amusons-nous à fredonner pour notre fille, dont les grands yeux curieux brillent déjà d’excitation et d’émerveillement. On accoste au pied de Wat Arun, temple de l’Aube, qui s’élance vers le ciel tout en flèches d’or et mosaïques scintillantes. Sous la chaleur moite de cette fin d’après-midi, nos corps pleins de fatigue et de joie déambulent calmement dans les dédales du temple. Chaque recoin révèle une élégance et un raffinement baigné d’un mysticisme envoûtant. Il suffit de traverser la rive pour découvrir le temple de Wat Pho. De ce côté, le soleil décline et les touristes semblent s’être enfuis. Les derniers rayons du jour illuminent les toits dorés, les contours du temple se découpent dans le ciel enflammé, créant une silhouette majestueuse, sereine et imposante. Des moines vêtus de robes orange vif glissent silencieusement à travers les cours ombragées. Nous délaissons poussette et tongs à l’entrée d’un bâtiment. Trônant, un immense Bouddha couché apparaît : 46 mètres de long, 15 mètres de haut, entièrement recouvert de feuilles d’or. Bouddha souriant semble se prélasser. Sa présence est étrangement rassurante. Le calme se fait, une sensation de quiétude et de sérénité nous enveloppe tous les trois. Pendant quelques secondes, le temps se suspend et l’émotion nous saisit. Romy-Jane nous tire de notre contemplation : à quelques mètres de là, un petit chat siamois éclipse Bouddha. De retour dans la rue, l’effervescence nous surprend. Romy-Jane, droite comme un “i” dans sa poussette, ne s’est pas plainte une seule fois. Étrange. Profitons-en. En ce début de soirée, les rues étroites du Flower Market débordent de stands colorés : fleurs tropicales, épices envoûtantes, bouillons relevés, plats fumants, arômes alléchants (ou non). Nous slalomons entre les étals de street-food, les enseignes lumineuses clignotent, nos appareils photo crépitent et Romy-Jane tombe de fatigue. Quelques jours plus tard, c’est presque à reculons que nous quittons le tourbillon de Bangkok, The Siam, Pong, notre guide Like a Friend et la barge en teck de l’hôtel. L’appréhension de départ à l’idée de découvrir une ville si dense avec un bébé s’est totalement envolée. Il y a tant à voir, à faire… Les distractions sont innombrables et les Thaïlandais d’une gentillesse et d’une patience infinies. Déjà, nous nous imaginons parcourir Tokyo, Hong Kong ou New York en compagnie de notre “mini-us”, définitivement citadine et absolument pas déboussolée. Faustine Poidevin-Gros   Cap sur la baie de Phang Nga La nostalgie est de courte durée, l’appel de la plage se fait entendre. On the road, baby ! Notre longtail navigue doucement sur les eaux lisses de la baie de Phang Nga. Notre bébé endormie dans les bras, nous nous sourions. Soupir d’aise. En quelques minutes, nos peaux hivernales rougissent au soleil et nos yeux, fatigués par de nombreuses nuits trop courtes, s’embuent. La vie avec un enfant a ce mérite qu’elle permet de savourer chaque instant. On réapprend complètement à vivre l’instant présent, à s’extasier en entendant le hululement d’un oiseau, à s’émerveiller devant telle fleur, telle plante, devant ce tout petit escargot. On bat des paupières avec délice en regardant le soleil scintiller sur l’eau translucide. On renoue avec une petite part de cette âme d’enfant, innocente, pure et si sage, qui s’était perdue quelque part en chemin. Cela faisait longtemps que nous n’avions pas voyagé avec autant de présence. En plein cœur de la baie, Romy-Jane s’éveille : “Pouf !”, s’écrie-t-elle d’un coup en pointant les majestueux pitons karstiques qui émergent à l’horizon. Rebaptisées, les îles “Pouf” se profilent, falaises calcaires grimpant vers le ciel, végétation tropicale dégoulinante, grottes millénaires mystérieuses… En approchant de l’île de Koh Yao Noi, les eaux se teintent d’un bleu plus profond et révèlent des récifs coralliens éclatants. Nous posons nos pieds dénudés sur le sable chaud et étincelant, l’air humide nous enveloppe, les palmes se balancent au rythme de la brise et le temps semble s’être arrêté. Une parenthèse s’ouvre pour quelque temps. Nos journées se remplissent de massages thaï huilés et enveloppants, de plongeons dans la mer aux aurores, de méditation matinale, de dégustation de pad thaï et de green curry, d’excursions en paddle, de couchers de soleil éblouissants, de piqûres de moustiques aussi. Pour une matinée, on s’octroie une pause bébé que l’on confie aux mains d’une baby-sitter dévouée. Nous enfilons masques et tubas et partons caboter d’île en île, nous découvrons Koh Deng, Nok, Samet et Laem Haad. Les touristes sont rares, les plages désertes et l’eau à la parfaite température. Notre skipper du jour, un marin expérimenté originaire de la baie, nous emmène pique-niquer sur un îlot désert. À l’ombre de la mangrove, nous dégustons une salade de papaye verte. Romy-Jane retrouvée, nous décidons de traverser l’île en side-car, direction le Sunset Bar. Sur des airs de reggae, backpackers et voyageurs se retrouvent sous cette paillote de fortune pour un cocktail de fin de journée. Faustine Poidevin-Gros   Le retour, entre mélancolie et gratitude Le ventilateur tourne dans le vide, un jeune homme nous offre un Polaroid de notre fille qui danse sur Could You Be Loved de Bob Marley. “Don’t let them change you, Romy-Jane…” Le lendemain matin, nous ré-empaquetons notre barda pour la dernière étape de notre périple thaïlandais : quelques jours dans une demeure privée perchée dans la jungle. Une voiturette de golf nous mène à notre éden. Le portail s’ouvre sur une petite maison de bambou au toit de chaume. L’éclairage est doux et tamisé, les rideaux sont en tissu léger et les meubles en rotin. Au bout des portes-fenêtres, une piscine émeraude reflète la canopée. Un dernier dîner face à la baie. Les pitons karstiques se teintent de touches dorées, le ciel se pare de pourpre et, petit à petit, les étoiles et les lumières dansantes des chalutiers se mêlent sur la toile nocturne. Nous réalisons : dans moins de 24 heures, nous serons chez nous, le chauffage à fond, le métro, le boulot, les plats réchauffés. Pour encore quelques instants, profitons… La nuit, la jungle s’anime, les animaux font la course sur le toit de paille. Au loin, un orage tropical éclate, les éclairs illuminent à intervalles réguliers la petite chambre. Blottis tous les trois sous la moustiquaire, à l’autre bout du monde, on ne s’est jamais autant senti en sécurité. Le dernier jour apparaît dans l’aube matinale. Le temps a filé à toute vitesse, et déjà le retour parisien se dessine. Rebelote : bateau, aéroport de Phuket, escale à Bangkok. Nous dévalisons la boutique à souvenirs de l’hôtel où nous passons la nuit et un room service gourmet nous replonge dans la civilisation… Après douze heures de vol, Romy-Jane bat des mains face au tapis roulant qui déverse nos valises dans le Hall 2 de l’aéroport Charles-de-Gaulle : “Bravooo !” De Bangkok à Paris, pas le temps pour la mélancolie.   Par FAUSTINE POIDEVIN-GROS   Photographie de couverture : Faustine Poidevin-Gros

Uruguay : éloge de la lenteur

Davantage encore qu’un pays, l’Uruguay est un état d’esprit, une lumière, une ambiance. Un endroit où il faut accepter une certaine idée de la lenteur. Dans ce petit pays d’Amérique du Sud coincé entre le Brésil et l’Argentine, pas de monument grandiloquent ou d’attraction spectaculaire mais des villes nostalgiques, des plages sauvages et une certaine idée de la vie. Balade mélancolique dans un pays confidentiel qui gagne à être connu.   Montevideo, la capitale qui ne fait pas de bruit D’abord il y a ce nom mélodieux, intriguant : Montevideo. Comme une invitation au voyage. La légende veut qu’en arrivant à proximité, un marin portugais se soit exprimé Monte Vide eu! (J’ai vu une colline). La belle affaire !  Ensuite, il y a ces rues mélancoliques et calmes parsemées de bâtiments Art déco défraîchis, comme si la ville vivait à rebours du reste du monde. Certains comparent la capitale uruguayenne a une version miniature de Buenos Aires. Certes, les Uruguayens partagent avec leurs voisins du sud un estuaire (celui du Rio De La Plata), un accent, une certaine nostalgie et un amour inconsidéré pour l’asado et le football. Mais là où Buenos Aires propose un rythme frénétique, Montevideo semble fonctionner au ralenti. Pour s’en convaincre, il faut arpenter les rues calmes de la Ciudad Vieja, son centre historique, un concentré d’architecture européenne passée au filtre latino-américain, avec ses trottoirs cassés et ses places charmantes jamais assaillies par la foule. Direction ensuite le Cordon, un quartier traditionnel de la ville où de chouettes cafés et restaurants ont poussé depuis quelques années, puis les rues de Pocitos qui descendent doucement vers la Rambla. Là non plus, pas d’agitation, pas d’édifices impressionnants mais une atmosphère douce et des gens qui promènent tranquillement leurs chiens. Montevideo est une ville pour flâneurs appliqués. Au détour d’un coin de rue, voici la terrasse de la Otra Parrilla, une institution du quartier. À l’intérieur, des cuisiniers experts s’affairent au-dessus des braises et font danser sur le feu des viandes d’une qualité exceptionnelle. On s’attable en terrasse et on commande un steak juteux accompagné d’un bon verre de Tannat. James Rajotte / Gallery Stock   Le long de la Rambla Montevideo, c’est aussi la Rambla, cette promenade de 22 kilomètres qui longe le Río de la Plata et borde la ville. Sur ce long boulevard au fil de l’eau, Montevideo se dévoile sincère et donne sa pleine mesure. Joggeurs, retraités contemplatifs, pécheurs, skateurs mollement appliqués et footballeurs amateurs se côtoient en toute saison le long des plages de sable et des petites baies. Pocitos, Buceo, Malvin, Punta Gorda, Carrasco… Plus on se dirige vers le nord, plus le fleuve prend des allures de mer. En fin de journée, alors que le ciel devient rose, les gens s’assoient et scrutent l’horizon depuis leurs chaises pliantes. Tous ou presque portent un thermos au creux du bras et une calebasse dans l’autre main. Fétichisme étrange qui interroge le visiteur. C’est le culte du maté que l’on boit à toute heure, religieusement, entre amis ou en famille. L’Uruguay, c’est aussi cela : un peuple qui carbure à une boisson amère, partagée avec tendresse.   Colonia Del Sacramento, voyage dans le temps C’est la plus vieille ville du pays. En 1680, les Portugais descendent depuis le port de Santos au Brésil et fondent Colonia del Sacramento, placée stratégiquement sur le Río de la Plata, juste en face de Buenos Aires et des territoires appartenant à l’Espagne. Pendant plus d’un siècle, les deux royaumes vont se disputer la ville et la dominer successivement. De ce chassé-croisé impérial est née une architecture unique, mêlant styles coloniaux portugais et espagnols. Aujourd’hui, Colonia a perdu son importance stratégique, mais elle a préservé son patrimoine. Dès que l’on franchit la porte de la Citadelle et que l’on pénètre au cœur du petit centre historique inscrit au patrimoine de l’Unesco, on est propulsé dans le passé. En fermant les yeux, on pourrait presque entendre le cliquetis des calèches sur les épais pavés. La ville a aussi hérité d’un charme fou qui séduit immédiatement n’importe qui chemine dans ses ruelles étroites, entre les maisons blanchies à la chaux. Les bougainvilliers grimpent sur les murs de pierre ; les voitures des années 50 ne sont pas des caprices de collectionneur mais des vestiges d’une routine paisible et même les rues portent des noms poétiques comme « rue des soupirs » ou « rue des fleurs ». À la tombée de la nuit, alors qu’une brise bienvenue s’engouffre dans la vieille ville, on entre dans un patio pour boire un verre ou on s’installe au Charco Bistro, pour dîner au bord de l’eau. Global Pics / Getty Images   De José Ignacio à Cabo Polonio, la côte sauvage Sur 660 kilomètres de rivage, l’Uruguay allonge sa côte comme on déroule une confidence. Parmi ses secrets, plus ou moins bien gardés, il y a d’abord José Ignacio. Il y a trente ans, cette péninsule entre océan Atlantique et lagune n’était qu’un village de pêcheurs. Depuis, le bouche à oreilles a fait son effet et le charme rustique de l’endroit a opéré. Aujourd’hui, José Ignacio est devenue l’une des stations balnéaires les plus chics du continent sud-américain. Malgré le côté hype, le luxe n’est jamais ostentatoire, il est toujours bohême et simple en apparence. Ici, les maisons sont en bois brut, les hôtels les plus chics s’appellent posadas. Le chef renommé Francis Mallmann y a installé un restaurant culte dans une estancia de l’arrière-pays et un chiringuito sur la plage. On y mange de la viande grillée dans une atmosphère décontractée. Plus à l’est, en remontant vers le Brésil, l’Uruguay se démaquille. De la Paloma, un village de surfeurs et de hippies où les bars de plage servent de la bière fraîche et des beignets aux algues, jusqu’à Punta del Diablo, la côte se dévoile sauvage et venteuse. La perle du littoral uruguayen pourrait bien être Cabo Polonio, un endroit qui se mérite. Il faut d’abord s’arracher à la route et à la couverture réseau. Laisser la voiture dans un parking poussiéreux et grimper dans un 4x4 brinquebalant sur les dunes pour tomber, 7 kilomètres plus loin, sur une poignée de maisons posées face à l’Atlantique. Le jeu en vaut la chandelle pour qui souhaite une déconnexion totale. À Polonio, pas d’éclairage public ou d’électricité (hormis quelques groupes électrogènes) mais des plages superbes et des colonies de lions de mer débonnaires. Le phare, massif et solitaire, semble veiller sur ce bout du monde. Le coucher de soleil est un spectacle immanquable et, quand la nuit tombe, le ciel se pare d’étoiles qui semblent irréelles. Olaf Speier / Getty Images   El Interior, l'âme charrua L’Uruguay est peuplé de 3,4 millions d’habitants dont près des deux tiers vivent dans le grand Montevideo. Pourtant, c’est dans les vastes prairies de l’intérieur du pays que réside une bonne partie de l’âme uruguayenne. L’identité rurale de la Republica Oriental se révèle dans ses pampas infinies, battues par les vents du sud. Les collines, les ruisseaux, les bosquets de quebrachos (arbres typiques de la région) et d’eucalyptus parsemés d’estancias fatiguées dessinent un paysage immuable que peuplent des millions de bovins encadrés par des gauchos experts à cheval. L’Uruguay compte quatre vaches par habitant, ce qui fait du pays une destination pas forcémnt idéale pour les végétariens mais un paradis pour les amateurs d’asado. La viande est d’ailleurs le pain quotidien des habitants de l’Interior. Les petites villes qui parsèment le cœur du pays respirent la monotonie, l’éloignement du monde et la viande grillée. Mais passée cette première impression, on trouve en elles le charme rural, la convivialité et le sens de la vie en communauté. De Sarandi del Yi à Salto en passant par San Gregorio de Polanco, les mêmes scènes immuables se répètent. Les vieux messieurs passent des heures à jouer aux cartes aux terrasses des cafés. Sur la place principale du bourg, on regarde le temps défiler en sirotant un maté.   Par ARTHUR JEANNE   Photographie de couverture : Matthieu Salvaing

L'avion avec un tout petit

1 FAITES-VOUS AIDER Être parent ajoute une telle charge mentale que si vous pouvez nous déléguer la réservation des hôtels, des restaurants, d’activités, le seating, la location de voiture, le contact des prestataires…, vous voyagerez déjà l’esprit plus léger.   2 PARTEZ EN TRIBU Vous embarquez les grands-parents, la tante, l’oncle par alliance, toute la “smala” pour avoir du relais et pléthores de bras libres. Déléguer, c’est la seule façon de souffler.   3 DÉSTRESSEZ Le pre-seating. Nous vous réservons les sièges les plus adaptés en amont. Opter pour le premier rang côté hublot (et accessoirement dans la cabine Premium éco) est un véritable avantage : de l’espace par terre pour jouer, la possibilité d’installer un berceau jusqu’aux 10 kilos de votre enfant, un supplément d’intimité en cas d’allaitement. Le passage des contrôles prioritaires (au départ et à l’arrivée). Formalités de police, douanes, sécurité, vous grillez les files en toute légitimité. Demandez-nous ! L’accès au Salon Air France (à Paris-Charles de Gaulle sur les vols éligibles). Idéal pour faire le plein d’en-cas et laisser vos bambins gambader en toute sécurité. L’assistance VIP à l’arrivée. Le must absolu après douze heures de vol : une délégation vous accueille à la sortie de l’avion, s’empare de vos bagages à main et vous installe dans une voiturette de golf pour traverser l’aéroport à toute allure. Le seul problème, c’est qu’après avoir goûté à ce service, vous ne pourrez plus vous en passer.   4 ÉQUIPEZ-VOUS Visez l’essentiel : la poussette YOYO, une sélection de jouets inédits que vous aviez gardé secrets jusqu’ici : des spinners à coller sur le hublot, de nouveaux livres, profusion de sachets de gommettes… De l’eau, du lait, du sérum, des compotes et des purées. La restriction des liquides de plus de 100 ml ne s’applique pas. Le doudou (évidemment). Des tétines de rechange. Une couverture et un pyjama bien chaud pour protéger votre mini-bout de la climatisation. Ne radinez pas niveau couches ! Faustine Poidevin-Gros   5 CALCULEZ VOTRE COUP Vous privilégiez les vols de nuit pour optimiser les temps de sommeil de votre tout-petit. Sinon, misez sur les siestes, quitte à décaler le rythme quelques jours en amont.   6 COMMUNIQUEZ Expliquez, parlez, racontez… Quelques jours avant le départ, n’hésitez pas à communiquer avec votre bébé (même tout petit) et à lui décrire l’expérience qu’il s’apprête à vivre.   7 RELAYEZ-VOUS Dans le cas (très rare) d’un REFUS TOTAL de dodo, vous vous relayez et sillonnez l’avion, l’occasion de sympathiser avec d’autres parents et les membres de l’équipage.   8 PROTÉGEZ… … ses petites oreilles au décollage et à l’atterrissage en le faisant téter, boire ou en lui donnant une tétine. N’hésitez pas à solliciter les hôtesses qui vous prépareront deux gobelets contenant une serviette en papier imbibée d’eau chaude et essorée (technique connue sous le doux nom “d’oreilles de Mickey”).   9 RELATIVISEZ Ignorez les quelques regards agacés ! En toute honnêteté, vous rencontrerez davantage de bienveillance et de solidarité que vous auriez pu l’imaginer. Et puis, surtout, ce ne sont que 8, 10 ou maximum 13 heures de votre existence. Rien que vous ne sauriez surmonter !   Photographie de couverture : Faustine Poidevin-Gros

Le Grand Musée Égyptien, le nouveau trésor du Caire

Le Grand Musée Égyptien a ouvert partiellement ouvert ses portes en octobre 2024 et son ouverture officielle est prévue pour juillet 2025. Un évènement attendu, qui marque un tournant dans l’exposition du patrimoine culturel égyptien et fait entrer l’égyptologie dans la modernité. Initialement prévue pour 2021, l’ouverture du Grand Musée Égyptien (GEM) a été maintes fois repoussée, et les pouvoirs publics égyptiens ont finalement opté pour une ouverture par étapes progressives. Octobre 2024 marque une étape cruciale, qui permet aux visiteurs d’accéder à 80 % des collections. L’ouverture officielle et totale, elle, devrait avoir lieu en juillet 2025. Édifié face aux pyramides de Gizeh, le plus grand musée archéologique du monde dédié à une seule civilisation rivalise avec le Louvre, le British Museum ou le Metropolitan de New York. Le musée abrite une collection hors du commun, qui rassemble des objets précieux provenant de toutes les périodes de l'histoire égyptienne. Ses galeries sont organisées selon trois thèmes principaux – la société, le pouvoir et les croyances – dans un parcours qui permet aussi une découverte chronologique des différentes périodes de l'histoire égyptienne, de l'Ancien Empire à l'ère gréco-romaine.   Le Grand Musée Égyptien, un chantier pharaonique Le chantier du Grand Musée Égyptien s’inscrit dans une histoire ambitieuse qui débute à la fin des années 1990. Le musée historique de la place Tahrir, édifié en 1902, institution qui porte l’empreinte de l’École française et d’Auguste Mariette, est devenu trop exigu et vétuste pour accueillir et conserver les merveilles de l’Égypte antique. Le gouvernement égyptien lance un appel d’offres international pour la conception d’un musée digne de l'héritage millénaire du pays. Le projet du studio irlandais Heneghan Peng Architects est retenu parmi plus de 1500 propositions, avec la participation de certains des plus grands cabinets d’architectes au monde. Les travaux de construction commencent en 2006. La première étape est consacrée au déblaiement du site, à proximité des pyramides de Gizeh. Mais le projet subit rapidement des retards, causés par la crise économique de 2008. En 2011, la révolution égyptienne et l’instabilité politique qui s’ensuit mettent le projet en suspens pendant plusieurs années. Le chantier est relancé en 2014, mais à nouveau contrarié en 2020 par la pandémie de Covid-19, alors qu’il approche de son achèvement. Les travaux se clôturent finalement en 2023. Le chantier du nouveau Grand Musée Égyptien aura nécessité deux décennies – autant de temps que celui de la pyramide de Khéops ! L'implication des équipes de restauration a été un élément clé de cette renaissance. Depuis 2015, des milliers d’artefacts ont été transférés depuis différents sites archéologiques et musées, parfois dans des conditions logistiques extrêmes. En 2018, le transfert de la statue monumentale de Ramsès II (mesurant 11 mètres et pesant plus de 80 tonnes), qui accueille désormais le visiteur dans l’atrium du Grand Musée, est emblématique des prouesses techniques accomplies au cours du chantier. Gehad Hamdy/dpa via ZUMA Press   Un chef d’œuvre architectural Le nouvel édifice est un chef d'œuvre architectural. Il mêle des éléments contemporains avec des références à l'architecture traditionnelle égyptienne, sur une superficie de 45 000 mètres carrés – soit deux fois la superficie du Louvre. Le motif des pyramides est omniprésent sur les façades de l’édifice, décliné en panneaux d’albâtre. Les matériaux locaux, et notamment le calcaire, ont été privilégiés pour répondre à l'esthétique des monuments antiques. Une série de jardins, plantés sur douze hectares, produisent un microclimat favorable. À peine le seuil franchi, le visiteur est saisi par la majesté du colosse de Ramsès II qui trône au centre de l’atrium. À sa gauche, l’escalier monumental de 108 marches se déploie sur 6500 mètres carrés, jonché de statues de dieux et de pharaons – ces seuls artefacts pourraient constituer la collection d’un musée de premier ordre. L’escalier aboutit à une baie vitrée monumentale qui s’ouvre sur les jardins et le plateau de Gizeh, dans un panorama à couper le souffle sur les trois grandes pyramides, Khéops, Khephren et Mykérinos. Gehad Hamdy/dpa via ZUMA Press   Une ambition internationale Le Grand Musée Égyptien a également pour vocation de devenir un centre de recherche et de conservation d'envergure internationale. Ses 17 laboratoires ultramodernes, dotés d’équipements de pointe, sont dédiés à l'étude, la restauration et la préservation des artefacts historiques. En collaborant avec des institutions et musées du monde entier, le musée contribue à enrichir la compréhension globale de l'histoire égyptienne.   Le trésor de Toutankhamon Chacune des douze galeries d’ores et déjà ouvertes présente plus de 15 000 artefacts. Leur muséographie a été brillamment orchestrée pour permettre deux parcours : un premier, chronologique, qui suit l’ordre des dynasties, et un second, thématique, qui organise la visite par thème (croyances, pouvoir, société). Libre à chacun des visiteurs de préférer l’approche chronologique ou thématique, voire de croiser les deux. Parmi les pièces les plus attendues, la collection de Toutankhamon sera prochainement présentée au public. La découverte du trésor de Toutankhamon, en 1922, demeure l’une des plus importantes découvertes archéologiques de tous les temps. Après plusieurs années de recherches infructueuses, l’archéologue britannique Howard Carter et son mécène Lord Carnarvon mettent au jour dans la Vallée des Rois une tombe inviolée – évènement rare dans une région où de nombreuses sépultures ont été pillées. Lorsque l’équipe ouvre la sépulture, c’est la stupéfaction : les salles sont remplies d’objets somptueux, statues, chars funéraires, coffres, vases en albâtre... Mais le véritable chef d’œuvre est découvert dans la chambre funéraire : le sarcophage contenant la célèbre momie du jeune roi, inhumé dans des cercueils imbriqués, dont l’un est en or massif. Cette découverte a captivé l’imaginaire collectif et déclenché une vague d’Égyptomanie sur toute la planète. Le trésor de Toutankhamon constitue aujourd’hui l’une des pièces maîtresses du Grand Musée Égyptien. Le déplacement de ce trésor vers la nouvelle institution donne lieu à un travail de restauration et d’analyse inédit – gageons qu’il dévoilera de nouveaux savoirs sur ces trésors antiques ! Gehad Hamdy/dpa via ZUMA Press   Par MARION OSMONT   Photographie de couverture : Gehad Hamdy/dpa via ZUMA Press

Une Europe ferroviaire

Avant que les politiques ne s’y mettent, le rail a été un grand unificateur de l’Europe. On ne se rend plus tout à fait compte, après le privilège automobile, de la densité du réseau ferré européen dans la première moitié du XXe siècle. Tout autant qu’un moyen de transport, c’était un motif culturel. Le cinéma, la littérature, la peinture, tous les arts vous le diront. Econome de la planète, le train fait un retour en force - du moins espère-t-on que cette façon de voyager redevienne aussi naturelle et commode qu’elle l’a été. Rêvons un peu.   Suisse Norvège Ecosse Angleterre Italie Allemagne Europe Centrale et Turquie Espagne 1 Suisse On peut tenir que le voyage naisse au croisement des rêves et des horaires. Plus ceux-là sont vastes et ceux-ci précis, mieux c’est. La Suisse serait donc, à n’en point douter, terre de voyage : paysages de rêve et ponctualité légendaire. Prenons n’importe quelle gare helvétique. Ce ne sont pas à de prosaïques arrivées et départs auxquels nous assistons. C’est à un ballet bien réglé, à des entrées et sorties de scène. Les Chemins de fer fédéraux suisses - Schweizerische Bundesbahnen, Ferrovie Federali Svizzere - sont un aspect de l’esprit national. Cela dit, le train est un moyen de transport épatant : rapide, confortable, accessible au centre des villes. Imaginons, par exemple, un voyage Zürich-Saint-Moritz (canton des Grisons). On pourrait passer par Lucerne, au bord du lac des Quatre-Cantons. Puis aller à Interlaken (canton de Berne) et Montreux (canton de Vaud), sur la riviera du lac Léman. Zermatt (canton du Valais) et le Cervin / Matterhorn sont ensuite inévitables. Enfin alors l’Engadine et Saint-Moritz. En voiture ! donc, dans un pays dont le réseau ferré conduit partout, ou presque. Dans des voitures panoramiques, conçues pour l’observation ambulante de paysages spectaculaires, limpides, majestueux. Le show ferroviaire commence, pour notre itinéraire, dans l’Interlaken Express, et se poursuit sur la Golden Pass Line, entre Interlaken et Montreux. Après villages, lacs, pics, l’arrivée sur le lac Léman éblouit. Le Glacier Express vous conduit de Zermatt à Saint-Moritz : tunnels, ponts, col à plus de 2000 mètres et tronçon de l’Albula inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco avec le fabuleux chemin de fer rhétique ! Le train va à la Suisse aussi bien que les skis ou le bobsleigh. Toutes nos suggestions de voyages en train en Suisse Berthold STEINHILBER/LAIF-REA 2 Norvège Le réseau ferré norvégien - qui se déploie en éventail à partir d’Oslo - est dense et conduit à quasi tous les coins habités du pays. Cependant, la ligne distinguée entre toutes (celle des palmarès) est l’Oslo-Bergen, sept heures d’un itinéraire nature et beau. On passe par Fla et la vallée de Hallingdal. Les paysages sont amples, mouvementés, largement ouverts aux activités de plein air. D’ailleurs, dans toutes les gares de cette section centrale, on loue des vélos. A mi-chemin, bien enfoncé dans les Alpes scandinaves, se trouve Geilo : ski en janvier et randonnée en juillet. Puis, c’est le splendide plateau et parc national Hardangervidda. Les lichens y entretiennent une florissante population de rennes sauvages. La descente vers les fjords s’amorce après le village de Finse, que le train seul permet de rallier. A Myrdal, on peut bifurquer sur la Flamsbana, ligne à grande déclivité de Flam, sur l’Aurlandsfjord. A la belle saison, la roche est recouverte par une végétation au vert franc ; les cours d’eau cascadent et éclaboussent ; les encaissements débordent de romantisme boréal. L’hiver, la nature est plus sobre et brève en ses gris et blancs, la pente prend alors une allure un peu vertigineuse. La ligne de Bergen quant à elle poursuit sur Voss, capitale norvégienne du sport aventure. Puis c’est Bergensdalen. Terminus. Nous ne détaillerons pas la ligne Dovre, qui relie Oslo et Trondheim. Ni la Raumabanen, qui vous conduit de Dombas, dans la vallée de Gudbrandsdalen, au fjord d’Andalsnes, dans le comté More og Romsdal, à travers la montagne. Une heure quarante d’un bout à l’autre. Et d’aucuns considèrent qu’il s’agit de la plus belle ligne d’Europe ! Narvik même est accessible par le rail. Et là, hommage est rendu à une cantinière du chantier de la ligne Kiruna (en Suède) Narvik, morte sur place en 1900 : une statue de bronze représente l’Ours noir. Le train suscite des héroïnes en Norvège. Toutes nos suggestions de voyages en train en Norvège mariusltu - stock.adobe.com 3 Ecosse Les vaches des Highlands regardent-elles passer les trains ? Comme toutes les autres sans doute mais, lorsqu’elles voient arriver le Royal Scotsman, elles se rengorgent et les cornemuses leur soufflent aux oreilles. Ce train de prestige emporte trente-six passagers le long des côtes, à travers les landes, au pied des pics des Highlands. L’acajou, les marqueteries Belle Epoque luisent doucement dans les cabines, la salle à manger, les couloirs, l’Observation Car. Des cuivres magnifiquement astiqués mettent çà et là de l’éclat, alors que banquettes, fauteuils, sofas duveteux invitent à des moments émollients. Chaque compartiment dispose d’une literie de plume et d’une salle d’eau particulière, superbement équipée (parfumerie et savonnerie britanniques ne sont plus à présenter). Dans la salle à manger, les tables sont dressées et les repas servis dans les règles de l’art. Les cuisines font des merveilles avec les ingrédients emblématiques de l’Ecosse : saumon, pigeon, flétan, etc. La cave est à la hauteur, la sélection de whiskies aussi. Dans l’Observation Car, on prend le thé, on devise, on s’abandonne à la contemplation des paysages, on se récrée… C’est l’agora du train. Tout est beau. Et simple, au fond. Le personnel de bord fait ce qu’il faut pour cela, parfaitement à son affaire, d’une aisance aimable et d’une précision qui rendent les choses aisées, fluides, agréables. A bord du Royal Scotsman, le luxe n’est que l’expression du meilleur savoir-vivre. On embarque à Edimbourg, Waverley station. Le train s’ébranle et déjà on prend paisiblement l’afternoon tea, en dérouillant son anglais avec ses compagnons de voyage. L’infusion fume dans les tasses de porcelaine, les cucumber sandwiches sont d’une fraîcheur de rosée, les scones portent la clotted cream comme Kate Middleton ses bibis. Et il y a des trains ordinaires en Ecosse ? Bien sûr ! Toutes nos suggestions de voyages en train en Ecosse rawpixel.com - stock.adobe.com 4 Angleterre En Angleterre, c’est un peu comme en Chine : on consomme dans les voitures. Des préposés passent poussant des chariots pour vous proposer tout ce que l’industrie produit de sympathiques horreurs : chips cheese and onion, confiseries, sodas et autres energy drinks. Les passagers sont donc bien contents et, le temps du trajet, renoncent à l’idée d’hygiène alimentaire. C’est ainsi que l’on voyage, en défaisant les carcans. En dehors de ça, on peut aborder la question du rail anglais par les lignes et les itinéraires. Ou par le matériel roulant : assez disparate. On peut aussi l’envisager au prisme des gares. A commencer par celles de Londres, qui polarise l’ensemble du réseau. Si le standing d’une capitale s’est évalué au cours de ces dernières décennies en termes d’aéroports (avant le retour en force du train pour des raisons écologiques), les gares ont défini la grande cité moderne des XIXe et XXe siècles. Son étendue, et donc la nécessité de déplacer des foules tous les jours, a mis la capitale britannique dans la dépendance de ses gares. Echangeurs indispensables et bientôt lieux d’identification. Aujourd’hui, Saint Pancras (1868) accueille et expédie ceux qui empruntent l’Eurostar. C’est la gare des europhiles British et des continentaux anglomanes. En face, les fans d’Harry Potter reconnaissent King’s Cross (1852). A l’époque de la construction, le quartier laissait à désirer. Pas comme Westminster, où se trouvent Buckingham Palace, mais aussi les gares Victoria (1868) et Paddington (1854). L’une et l’autre bien connues des voyageurs internationaux. London Euston (1837) est assurément moins célèbre, mais n’en est pas moins importante puisqu’elle dessert le nord et l’ouest de l’Angleterre. Pour aller dans le sud, on prend le train à Waterloo (1848), baptisée un peu comme à Paris Austerlitz. La gare de la City ? Liverpool Street (1874). Ce ne sont que les plus importantes ! Et lorsqu’on sillonne l’Angleterre par le rail, on trouve aussi souvent encore de ces petites gares dont le charme champêtre a fait les délices d’Agatha Christie. L’Angleterre est toujours un bon témoin de ce que fut en Europe la révolution des chemins de fer. Toutes nos suggestions de voyages en train en Angleterre lenscap50 - stock.adobe.com 5 Italie Les caricatures étant ce qu’elles sont, un clivage nord sud se retrouverait aussi sur rail. Ponctualité et bonne tenue au nord ; horaires qui n’en sont pas et débraillé au sud. Un peu de vrai et beaucoup de faux. Le train étant ici la victime collatérale de crispations hors de son champ. En fait, la différence se joue surtout entre les lignes express et grande vitesse et les autres. Les premières sont à l’heure et confortables, les autres sont selon. Notez que dans tous les cas, elles permettent de regarder le paysage et qu’en Italie on a rarement à se plaindre de ce qu’on voit par la fenêtre. Toutefois, commençons par une légende : l’Orient-Express. Embarquement à Paris gare de l’Est ; terminus, Venise - le trip jusqu’à Istanbul se faisant désormais à bord d’autres trains. Agatha Christie - décidément ! - y a installé l’une de ses plus célèbres énigmes, Apollinaire de flamboyantes lubricités, Graham Greene en a fait le furet d’une savoureuse description d’une l’Europe centrale, à laquelle Venise appartient autant qu’elle appartient à la Méditerranée : aucun train (sauf peut-être le Train bleu) n’aura autant apporté à l’imaginaire du vieux continent. Aujourd’hui, ces onze voitures-lits emportent toujours les voyageurs élégants vers la cité des doges. Les compartiments font boudoir pendant la journée et chambre la nuit, ils disposent chacun d’un cabinet de toilette privé. Marqueterie Art nouveau et verre Art déco évoquent l’art de vivre de la Belle Epoque et des Années folles, de splendides étoffes recouvrent les sièges, le raffinement est partout. On s’habille pour aller prendre de délicieux repas au wagon-salle à manger décoré par Lalique. Nappes blanches, argenterie, cristal, pour être pérégrinant, le service n’en est pas moins irréprochable. Toutefois, la légende cède volontiers le pas à la simple raison voyageuse et un itinéraire ferré Milan, Bologne, Padoue, Turin, par exemple, se conçoit et s’organise aisément. Avec, à la clé, un certain nombre de merveilles et des plaisirs en-veux-tu-en-voilà. Il n’est que de mettre le doigt dans l’engrenage. Toutes nos suggestions de voyages en train en Italie Belmond/Orient-Express 6 Allemagne Au moment où les associations marchandes, les hanses, se formaient, on regardait Hambourg de haut. Cette dernière n’en a pas moins couru son chemin et écrasé la concurrence, son port mondialisé en fait foi. C’est une cité puissante et discrète. Beaucoup plus innovante qu’on l’imagine peut-être. Elle a, à grande échelle, le charme des villes parcourues d’eau. Et Lübeck sur la Trave, l’ancienne capitale du nord, un peu alanguie sur ses lauriers, profite au fond de n’avoir pas grandi au-delà de ses capacités. Les chroniques parlent d’elle et son héritage est considérable. Le train est un excellent moyen de relier entre elles ces trois villes et de s’enchanter d’une Allemagne septentrionale trop souvent terra incognita. Un récent été, l’opération billet mensuel à neuf euros a incité les Allemands à grimper dans les wagons et à se promener partout à travers le pays, des prairies alpines aux plages de la Baltique, de la vallée du Rhin à l’Erzgebirge. Les lignes sont là. Et une sensibilité particulière aux alarmes écologiques. L’un et l’autre élément se combinent bien pour donner au train une nouvelle chance. Une perspective alléchante pour les Français (et ceux qui prennent leurs trains) puisqu’ils vont déjà à vitesse grand V à Baden-Baden en forêt Noire, Karlsruhe, Mannheim, Francfort, Stuttgart, Ulm, Augsbourg, Munich. On peut envisager à partir de tout ça les plus intéressantes combinaisons. Toutes nos suggestions de voyages en train en Allemagne uslatar - stock.adobe.com 7 Europe centrale Comme l’Allemagne fait partie (en partie) de l’Europe centrale, on la retrouve ici pour un séduisant itinéraire Vienne-Prague-Dresde-Berlin-Hambourg et Sylt. Toute cette Europe centre-occidentale en train. Et quelles villes ! Le réseau ferré a été l’une des réussites de l’Autriche-Hongrie. Vienne est d’ailleurs toujours pionnière dans ce domaine, ayant réactivé de confortables trains de nuit pour les liaisons moyennes et longues. Les chemins de fer autrichiens vous acheminent ainsi dans la plupart des anciens domaines impériaux. Si bien qu’un Vienne-Budapest-Prague s’envisage désormais dans d’excellentes conditions. Jolie opération entre Danube et Vltava. Bien entendu, à la fin de la période socialiste, pendant les années 1990, la route a primé et englouti les budgets. Les lignes sont vieillies et réclament un coup de neuf. L’idée fait son chemin et le train - fret et passagers – a, dans ces belles contrées, aussi un avenir. Reste le grand axe de l’Europe centrale et balkanique : Paris - Istanbul. L’épopée de l’Orient-Express in extenso ne s’efface ni des mémoires, ni des aiguillages. Vous embarquez pour Vienne. Conforté par son romantisme pince-sans-rire et mélodieux, on s’en va ensuite retrouver Budapest. Et peut-être le Danube est-il plus encore budapestois que viennois. Il coule au beau milieu de la capitale hongroise qui le regarde passer depuis ses monuments les plus emblématiques. Tout cela a de l’allure. Ensuite, la ville de mauvaise réputation : Bucarest aurait été défigurée pendant la période socialiste. Ce n’est vrai qu’en partie. De très jolis quartiers ont été préservés. Et le dynamisme, le côté méridional, la faconde des Roumains compensent les injures faites au patrimoine. On s’arrête à Sofia ? Si on veut, on s’arrête. Il ne restera plus, dès lors, qu’à se laisser glisser au sud-est, jusqu’à la Turquie et Istanbul, terminus traditionnel et grand échangeur entre l’Orient et l’Occident. Le Bosphore, la Corne d’Or, Sainte Sophie, la mosquée Bleue. tout cela est familier à l’imagination voyageuse. C’est-à-dire, indispensable. Découvrez notre voyage en train en Europe centrale Découvrez notre voyage en train de Paris à Istanbul capn/stock.adobe.com 8 Espagne Sinon pour les voyageurs qui, partant pour Lourdes ou le Pays Basque, prenaient le train d’Irun, l’Espagne semble peut-être le moins ferroviaire de nos pays. Et pourtant ! Elle dispose d’un ensemble de lignes tout à fait à la hauteur. Et de trains à vocation touristique bien imaginés. Comme le Transcantabrique qui, le long de la baie de Biscaye, relie Leon, province de Leon, au port de Ferrol, province de La Corogne. De Leon à Bilbao, le train emprunte la ligne de La Robla, l’une des plus emblématiques d’Espagne. Des services sont aussi assurés entre Saint Sébastien et Saint Jacques de Compostelle. L’itinéraire traverse des contrées à forte personnalité. L’utilisation de la voie métrique permet de se glisser où les trains classiques ne vont pas. La nature donne à la vitre un spectacle toujours changeant. Les conditions de transport, d’esprit Pullman modernisé, sont excellentes et le service impeccable. Voitures-salons et voitures-lits procurent un bien-être que leur envieraient bien des hôtels sédentaires. Quant à la table, elle s’ajuste aux pratiques culinaires des régions traversées. C’est l’Espagne atlantique et verte. Passons maintenant à l’autre bout du pays, une région plus sèche, déjà africaine, l’Andalousie. Où circule, entre Séville et Malaga, via Grenade et Cordoue, le train Al Andalus. Sept jours de plaisir sur rail. Des voitures françaises d’abord, dont le modèle a été conçu pour la famille royale britannique. Ces wagons appartiennent au parc de la compagnie ferroviaire publique espagnole, Renfe. Les voitures-salons Art déco sont tout à fait chic ; les suites particulières ne leur cédant rien. En embarquant, on s’attend à du confort, mais à ce point ! Les cabines-lits sont pleines de charme. Des chefs de renom ont en charge les cuisines du convoi et on en oublierait de regarder dehors. L’Espagne est certes un pays de luxe ferroviaire. Toutes nos suggestions de voyages en train en Espagne miguel - stock.adobe.com   Par EMMANUEL BOUTAN   Photographie de couverture : Philip Nix / Gallery Stock 

Choisir son safari en Afrique

Les indétrônables Big Five ne sont pas l’unique raison de choisir sa destination safari en Afrique. Cadre, ambiance, expériences : il existe de nombreuses façons de se fondre dans la faune africaine. Tour d’horizon en huit lieux emblématiques.   Parc National Kruger (Afrique du Sud) Parc National du Lac Nakuru (Kenya) Cratère du Nngorongoro (Tanzanie) Réserve de Khwai (Botswana) Parc National d'Etosha (Namibie) Parc National de Bwindi (Ouganda) Delta de l'Okavango (Botswana) Parc National de Tarangire (Tanzanie) 1 Parc National Kruger Afrique du Sud Le cadre : le plus mythique des parcs africains réunit sur près de 20 000 kilomètres carrés un écosystème unique qui évolue librement entre le parc national et les réserves privées. La faune : lions, léopards, éléphants, rhinocéros, buffles. Les Big Five sont représentés ici en large densité. Au total, le Parc Kruger rassemble près de 150 espèces. Le nid : un beau lodge niché au coeur d’une réserve privée, quelques bungalows, un point d’eau, un boma(feu de camp) sous la voûte céleste. L’expérience : un safari en liberté, au volant de son propre véhicule.   Christopher Churchill 2 Parc National du Lac Nakuru Kenya Le cadre : dans l’ombre du mythique Masaï Mara, le lac Nakuru, situé à environ quatre heures de routede Nairobi, reste l’une des perles de la vallée du Rift. La faune : le Nakuru, malheureusement déserté par les flamants roses, héberge de grands mammifèrescomme les rhinocéros noirs et les girafes de Rothschild. Le nid : un cottage victorien sur les rives du lac voisin, Naïvasha, prolongement logique au Nakuru. L’expérience : depuis Naïvasha, aller sur Crescent Island et marcher au milieu des animaux, descendants des figurants du film Out of Africa laissés à l’état sauvage. GettyImages 3 Nngorongoro Tanzanie Le cadre : véritable arche de Noé, cette vaste caldeira bordée de forêts abrite une plaine et le lac Magadi. Parmi les paysages africains les plus spectaculaires. La faune : des plus petites aux plus grandes, toutes les espèces sont représentées, parmi elles le rhinocéros noir, l’hippopotame ou le guépard, mais aussi de nombreux oiseaux. Le nid : un lodge surplombant les plaines du Ngorongoro, bordées par la forêt et les plantations de café. L’expérience : un lever de soleil sur la caldeira, depuis la crête. Christopher Churchill 4 Réserve de Khwai Botswana Le cadre : au nord-est du delta de l’Okavango, un écosystème de grandes plaines inondées, paysage unique de lagunes surmontées d’îles et de forêts. La faune : grands troupeaux d’éléphants, hippopotames, girafes, antilopes, oiseaux… Avec la réserve voisine de Moremi, la région rassemble la plus grande densité animale du pays. Le nid : un camp de tentes élégantes, la réminiscence des premiers safaris, le confort en plus. Entièrementprivatisable pour une aventure en tribu ! L’expérience : le bain des éléphants, face au sien, au lever du jour. Peter & Beverly Pickford Wildlife Photography 5 Parc National d'Etosha Namibie Le cadre : l’immense pan d’Etosha, désert salin parsemé de points d’eau, collectionne des paysages lunaires, loin du classique décor de savane. La faune : oryx, girafes, guépards, éléphants… Près de 140 espèces de mammifères habitent les lieux. Le nid : un camp posé sur une colline, surplombant la plaine du Damaraland. Promontoire exceptionnel à l’ouest du parc, la partie la plus sauvage. L’expérience : une ronde de nuit autour des points d’eau, rendez-vous incontournable avec la vie animale.   30 Shipwreck Lodge 6 Parc National de Bwindi Ouganda Le cadre : la forêt impénétrable de Bwindi, émergeant de la brume à la jonction de la plaine et des montagnes. La faune : parmi les espèces menacées, le parc abrite divers papillons endémiques, mais aussi la moitié de la population mondiale des gorilles de montagne. Environ 400 individus aujourd’hui protégés. Le nid : un bungalow sur pilotis perché sur les eaux gris-bleu du lac Mutanda, aux portes de la forêt. L’expérience : marcher dans la jungle en silence, observer les gorilles, et se sentir tout petit… Crookes And Jackson 7 Delta de l'Okavango Botswana Le cadre : le delta du fleuve Okavango concentre d’étonnants paysages lacustres mêlant canaux, lagunes et îles. La faune : lors de l’hiver austral, le delta concentre une vaste faune (éléphants, buffles, lions, crocodiles, léopards…), au total plus de 150 espèces. Le nid : un écolodge sur pilotis posé sur le delta avec la soucieuse réflexion de laisser un impact minimum sur l’environnement. L’expérience : aborder l’Okavango à cheval, une belle manière de se fondre dans le monde sauvage.   22 Skybeds 8 Parc National de Tarangire Tanzanie Le cadre : un paysage double offrant d’un côté la savane piquée de baobabs géants, de l’autre la forêt tropicale humide. La faune : aux côtés des Big Five de la savane, la forêt abrite elle aussi une importante biodiversité, et la rivière de nombreux oiseaux. Le nid : une nuit à la cime des arbres, la plus fine frontière entre la brousse et soi. L’expérience : un safari à pied avec un ranger dans le Parc de Tarangire pour découvrir les traces des animaux et comprendre cet écosystème singulier. Christopher Churchill   Photographie de couverture : Alexander Shalamov/BlueOrange Studio/stock.adobe.com

Les îles grecques secrètes

Des six mille îles que compte la Grèce, combien sont célèbres et concentrent le tourisme ? Suffisamment pour l’encombrement ; trop peu pour circonscrire le monde des archipels. Il y a donc de quoi faire, pour les voyageurs en quête de Grèce justement, dans les Sporades, Cyclades et autres îles du Dodécanèse et de la mer Ionienne. Des îles secrètes ou simplement négligées, parce que trop ceci ou pas assez cela, parce qu’indirectement desservies. Et c’est une chance, car de pures splendeurs sont toujours accessibles aux voyageurs perspicaces.   Ithaque - Ioniennes Peut-être. Tel est, en tout état de cause, le fin mot concernant Ithaque. Peut-être est-elle l’île d’Ulysse. Certains n’en doutent pas ; d’autres sont sceptiques. Le moindre tesson a potentiellement valeur de preuve. Ou de démenti. Une nuance de bleu maritime peut-elle être rapportée à un vers de l’Odyssée ? La cause est entendue. Les 3 500 habitants d’Ithaque sont prisonniers d’Homère. Le poète les tient dans une hantise qui ne trouve pas vraiment d’apaisement. En un sens, ils en oublient leur vérité antique. Car on creuse et on trouve. Pas forcément l’expédient époux de Pénélope, mais les traces d’une vieille histoire. En tout cas, le tourisme est ici affaire de professeurs, qui viennent à la recherche d’une traduction en nature de leur texte. Et il faut reconnaître que le tourisme académique a des vertus. Celle notamment de ne pas dégrader les sites. Cette fréquentation est respectueuse ; elle garde les lieux dans l’état dans lequel archéologues et historiens les ont laissés. L’obsession antique ne bétonne pas les côtes et n’installe pas de discothèques. En somme, vous trouvez Ithaque un peu toquée, mais verte et préservée. Grecque, en dépit d’un long compagnonnage vénitien. Avec de la vigne et des oliviers. Des chèvres. Et des pêcheurs qui travaillent dans les eaux proches et pour des quantités raisonnables, ipso facto écolo. L’île est montagneuse et penche vers l’ouest, où elle présente une côte douce et basse. Le port naturel de Vathy – chef-lieu – est harmonieux avec son cercle de hauteurs coulant doucement vers la mer. Le village littoral de Kioni a un charme spécial à effet immédiat. La randonnée se pratique au naturel. Et la mer, la mer attire. En fait, toutes ces qualités ont fuité. Et les beautiful people clairvoyants ont suivi les hellénistes sur les plages ravissantes d’Ithaque. De somptueuses villas se rencontrent. Des hôtels haut de gamme aussi.   Alonissos - Sporades L’aire protégée des Sporades thessaliennes est l’un des plus fascinants parcs marins d’Europe. Lorsque l’on plonge la tête dans l’eau, on se prend à déplorer concrètement la raréfaction de la faune méditerranéenne. Parce qu’ici, c’est encore beau, frétillant, populeux, miroitant. Qu’était-ce quand c’était partout ! Enfin, ne plongeons pas avec précipitation et situons un peu les choses. L’archipel des Sporades se trouve au large du Pélion. Et Alonissos à trente minutes de bateau de Skopelos. 64 km², en longueur ; une toison de forêt et de maquis étonnamment dense ; des plages libres ; le bleu si bleu du ciel et de la mer, le blanc si blanc du calcaire, le vert si noir parfois des pins. Et les parfums étourdissants qui vont avec. Le chant des cigales. Cliché ? Tsss tsss, attendez d’y être. Les amas, les falaises, les marches géantes du calcaire font le spectacle géologique. Des plages se lovent au pied des éminences, dans les anses, qu’il faut rejoindre en petit bateau ou parcours sportif. Peu d’accès aisé, c’est bien l’exclusivité qui compte ! On peut aussi opter pour la campagne, où les pins et les chênes font racine arrière devant les oliviers. On est bio sans cahier des charges ni déclamation. Voilà, nature. Dès lors, plongeons. Beaux herbiers de posidonies, l’herbe de Neptune. Et les dauphins si chers aux Égéens : dauphin commun ; dauphin bleu et blanc ; grand dauphin. Le grand cachalot vient jusqu’ici. Et c’est bon signe. Le corail rouge, qui a une longue amitié avec la coquetterie, flamboie. Le phoque moine passe en propriétaire. Lorsque l’on émerge, on aperçoit – après un bref éblouissement – les faucons d’Éléonore et les goélands d’Audouin sur les falaises de marbre. Les animaux ne sont pas la seule raison de se jeter à l’eau, les parages d’Alonissos sont bien garnis en épaves à explorer ; certaines, comme le Peristera (contemporain de Périclès), avec leur cargaison d’amphores à vin. Enfin, un tuyau, la plage de Kokkinokastro est merveilleuse au couchant Ian / Adobe Stock   Ikaria - Sporades Après s’être brûlé les ailes au soleil, Icare serait tombé non loin de là (dans l’indifférence générale, si on en croit le tableau de Pieter Bruegel l’Ancien, De val van Icarus, au musée Oldmasters de Bruxelles). Bref coup de projecteur sur l’île, puis retour à un relatif anonymat. Éponymie tout de même. Les proches Samos, Mykonos ou Chios sont autrement fameuses. On leur laisse bien volontiers la première page des brochures. Rappelons encore le Voyage en Icarie, 1842, dans lequel le premier communiste Étienne Cabet développe une utopie socialiste. Ikaria aurait-elle été un non-lieu ? Elle devait pourtant devenir l’île rouge après la déportation de très nombreux communistes au cours de la guerre civile de 1945-49. Elle existe donc. Dans les Sporades orientales. Assez vaste et d’un relief puissant, culminant à plus de 1000 mètres. Une douzaine de villages installés dans les hauteurs que le brouillard d’altitude mouille. Une certaine retenue. Néanmoins, on aime danser. L’ikariotikos, qui a accéléré son rythme, reste bien vivante. On est aussi à la page responsable : développement d’un système énergétique renouvelable hybride (éolien et hydroélectrique) ; classement Natura 2000 (site naturel à valeur patrimoniale). Bien. Et les voyageurs ont-ils quelque intérêt à faire le déplacement car, tout de même, ce n’est pas la porte à côté ? Ceux qui souhaitent n’être pas bousculés, qui veulent prendre leur temps pour le laisser couler lentement ; ceux que le thermalisme à la source rassure ; ceux que l’hellénisme réel touche ; ceux qui surfent et randonnent ; ceux enfin qui s’enchantent de voir une barque de pêche dodeliner dans un bleu immatériel tant l’eau est transparente ; ceux-là, oui, ont intérêt à prendre le bateau.   Kea - Cyclades Kea, ce sont les Cyclades à une heure de ferry de Lavrio. Alors, pensez si les Athéniens en profitent ! À cela, avantages et inconvénients. Il y a un peu de monde le week-end. Par contre, comme on ne la fait pas touristique aux habitants de la capitale (qui sont aussi souvent ici des résidents secondaires), les petites nuisances inhérentes aux lieux fréquentés par les étrangers vous sont épargnées. On est un peu Grec upper middle class quand on va à Kea. Ce qui n’est pas désagréable en soi. Et puis, allez savoir comment, l’île a gardé son naturel. Elle est restée pimpante sans affectation ; elle s’est habituée à la fréquentation, sans se sentir son obligée. Relief, végétation, climat, on est bien dans les Cyclades. Le sud, un brin aride ; le nord, romantique et vert. Tout autour, des plages de sable fin et cette limpidité méditerranéenne qui explique tant de fresques et de mosaïques antiques. L’hédonisme est ici une seconde nature. D’autant que, clientèle oblige, on trouve à Ioulis de bonnes tables et partout des vins capiteux. Les villages n’ont pas dépouillé le charme de leurs venelles et de leurs placettes. On rencontre les bourricots sans lesquels la Grèce ne serait plus tout à fait elle-même. La randonnée est le complément des bains de mer. Par monts et par vaux, on s’enivre des odeurs de résine, de myrte, de romarin, de lavande. On rallie des sites antiques, comme l’acropole de Carthaea, dont ont parlé Strabon et Pindare. Ou un fameux lion de pierre. Les vestiges étant de toutes les époques, on relève que le sister-ship du Titanic, le Britannic, faisant alors fonction de navire-hôpital, a coulé dans les eaux de Kea en 1916. Pour l’heure, seuls les plongeurs confirmés peuvent descendre sur l’épave ; mais on étudie les moyens qui permettraient aux autres de la visiter à leur tour. Olivier Romano   Syros - Cyclades La capitale administrative des Cyclades. Ce type de carte de visite parle rarement à la sensibilité voyageuse. Surtout celle qui entend prendre les chemins buissonniers et ne pas s’embarrasser de formulaires. Néanmoins, Syros est une île résolument grecque. Et les petites rues blanches et jaunes de ses villages, où sont ouvertes, entrouvertes ou fermées des huisseries bleues, où lézardent des chats paresseux, où filent des deux-roues pétulants, où les bougainvilliers en font un peu trop, ne dépareraient aucune des prima dona de la mer Égée. Syros a de jolies plages – dont les premières sont peut-être Galissas, Kini et Finikas (dans un rayon de 10 kilomètres autour d’Ermoupoli) – et une vie à soi. Base arrière de la guerre d’Indépendance, elle a accueilli de nombreux réfugiés venant notamment de Chios et de l’Égée orientale. Lesquels ont doté le chef-lieu d’une architecture néo-classique et d’équipements culturels : un hôtel de ville monumental, un corso, un théâtre Apollon inspiré de la Scala, l’église orthodoxe Saint Nicolas. La guerre passée, tout le monde prend au sérieux le nom de la ville, Ermoupoli – ville d’Hermès, divinité des businessmen – et on en fait une place de négoce d’intérêt régional élargi. Ceci donnant les moyens de cela. De gros contrats se négociaient dans les cafés de la place Miaouli. La vieille cathédrale catholique d’Ano Syros trouve alors son aspect actuel. Le résultat d’ensemble étant qu’aujourd’hui Syros est une île plaisante toute l’année. La belle saison est ce qu’elle est partout dans les Cyclades, chaude, balnéaire et randonneuse ; la moins belle, qui n’est jamais que parfois maussade, est celle de la vie sociale et des spectacles, écho d’une civilisation bourgeoise européenne transportée aux portes de l’Orient.   Astypalée - Dodécanèse Astypalée confirme par sa morphologie en papillon (deux ailes reliées par un isthme étranglé) sa situation à la charnière du Dodécanèse et des Cyclades. Le paysage brun-roux ferait un peu paillasson si n’éclatait dessus le blanc des villages. Mais le paillasson ne marque-t-il pas justement un seuil ? Au sud de cette île radicale, le bourg principal de Chora descend en amphithéâtre des hauteurs vers la mer. Cet harmonieux jeu de cubes immaculés, parcouru de ruelles ombreuses, est cycladique en diable. Jusqu’aux cornes que lui fait un rang de moulins, lieu de ralliement des noctambules. Une forteresse vénitienne, des Quérini, domine le tout. L’Histoire et la géographie ont imposé ce dispositif classique. Parlons plages. Elles sont petites et volontiers graveleuses. Elles sont aussi délicieuses. Au sud, Agios Konstantinos, Vatses, Livadi, Kaminakia. Au centre, Steno, Maltezana, Psili Ammos. Au nord, Vathi. On les rejoint d’ordinaire par la route, puis un bout de chemin de terre. À ce propos, Astypalée est un laboratoire de mobilité verte. Peu ou plus de moteurs atmosphériques : électrique et digital général. Deux-roues et deux taxis, qui suffisent à véhiculer partout où vont chaussées et pistes. Les bateaux prennent le relais quand c’est nécessaire. Pour aller au large sur les étendues désertes de Koutsomitis ou Kounoupa, par exemple. Astypalée est altruiste, elle ne garde pas toute la crème solaire pour elle. C’est une île attachante, où l’accueil n’est pas feint. On y veille à traiter bien les voyageurs. Par de bonnes assiettes notamment. Des eaux encore poissonneuses fournissent aux cuisines une substance méditerranéenne authentique. Que l’on accommode d’un bouquet d’épices où entrent safran sauvage, sauge, thym, etc. Tous les villages ont leur auberge qui, servant jour après jour les gens du coin (ceux souvent qui ont fourni la rascasse), ne peut pas tricher.   Patmos - Dodécanèse Ce n’est certes pas n’importe quelle île. Pas le tout-venant égéen. Jean l’Évangéliste a écrit à Patmos son Apocalypse. L’une des sources vives du christianisme. C’est aussi une Greek island d’aujourd’hui, agréablement vallonnée, relevée de parfums vifs, au littoral chantourné, ponctué de jolies plages. Autour, le bleu incomparable de la Méditerranée orientale. Avec ça, pas de touristes. Ou peu. Des pèlerins, qui vont à la grotte de la Vision, et des esthètes pas pressés, qui donnent à cette terre tout son prix. Est-ce suggérer que l’atmosphère serait un brin compassée et raplapla ? Bien-pensante en un mot. Non point, on vit ici autant qu’ailleurs. On cultive les plaisirs avec le même entrain. Cependant, on a l’espace libre et une durée dont l’élasticité fait le charme. Pourtant, soyons francs, Patmos n’est pas le paradis des clubbers. On vient ici pour le quant-à-soi un peu alternatif d’une île préservée et paisible. Le souvenir de l’apôtre Jean en a donc fait un lieu de pèlerinage important. La fameuse cavité est aménagée en chapelle (entourée d’oratoires). L’imposant couvent fortifié Saint Jean le Théologien – dédale de cours et d’édifices dans lesquels la richesse chromatique des fresques éblouit ; qu’un millénaire de liturgie a imprégné de pneuma mystique – a été fondé au XIe siècle. L’une et l’autre sont inscrits au patrimoine mondial de l’Unesco. Sous le monastère, qui en domine le fracas blanc de toute sa masse grise, on se balade dans Patmos City, le plus bel ensemble médiéval de Grèce. On se promène aussi dans le port de Skala, où sont de nombreuses demeures de période ottomane. Et puis, après le dévoilement eschatologique, le maillot et le paréo reprennent leurs droits : au nord, c’est à Lampi aux galets multicolores ; au nord-est, à Livadi Gernou ; au sud, à Psili Ammos. Et si la colombe de l’Esprit Saint niche dans les églises, canards, cygnes, hérons en grand nombre peuplent les zones humides protégées autour de Grikos et Petra Beach. Joaquin / Adobe Stock   Kastelorizo - Dodécanèse Cette île de 9 km² semble se glisser discrètement sous la masse de l’Anatolie. À vingt minutes de caïque de Kas, en Lycie, Kastelorizo – que l’on appelle aussi Megisti – est le lieu habité grec le plus oriental. Un petit port naturel admirable, en forme de fer de hache. Et un unique bourg, que le style néoclassique, les tuiles roses et des crépis pastel rendent spécialement harmonieux. Carte postale potentielle, s’il se justifiait d’en tirer. Car les voyageurs ne se bousculent pas sur le quai. Oubli peut-être ? Pas complètement. Quelques artistes et créateurs de renom y ont ici un refuge et une activité qu’ils veulent discrète, afin que celle-ci n’attire pas trop l’attention sur celui-là. Il faut concéder que Kastelorizo rendrait un peu égoïste. Il y a des endroits qu’on aime fréquenter seul ou, du moins, car les choses se partagent toujours, entre gens de discernement. En premier venu. D’ailleurs, il n’y a pas de plage. On plonge des rochers. Ou d’un bateau. On nage. De concert avec une tortue parfois. C’est archaïque et revigorant. Disons, pas de plage à proprement parler, car les larges tables de marbre de Plakes, inclinées doucement vers la mer, comptent pour. Le bain de marbre, c’est assez Kastelorizo. On peut aussi emprunter un bateau-taxi pour trouver sur les îlots la plus parfaite solitude. La Blue Grotto, grotte marine et phénomène optique, stupéfie. On doit aussi se faire conduire au monastère Saint Georges par le taxi de l’île (qui se trouve sans peine). Tout de même, le vivre et le couvert sont assurés : quelques hôtels et maisons d’hôtes pleines de charme laidback et d’élégance ; et des tables au diapason.   Nisyros - Dodécanèse Pendant les jours d’été, les bateaux de Kos débarquent ici leurs passagers pour une excursion au cratère Stephanos du volcan. Dont les abords se trouvent un peu envahis de bonnes gens et de téléphones portables. Voilà une, parmi d’autres, bonne raison de séjourner sur Nisyros. Après quatre heures de l’après-midi, on a le paysage lunaire, les marmites de boue et les fumeroles du benjamin des volcans de l’Égée pour soi. Et on profite en solitaire des odeurs de souffre. L’intimité des enfers. Étonnante cette Nisyros d’entre Rhodes et Kos. Variée, avec de vertes collines, des plages de sable noir et des amas de pierre ponce, son volcanisme aux aguets. Ce dernier entretenant un thermalisme primitif, qui se pratique, à prix dérisoires, dans des grottes naturelles, que signalent de sommaires panneaux Volcanic Geothermal Pool. Bel exemple de plage noire, Pachia Ammos, sur la côte est. À travers les collines, on randonne. Pour se donner des points de vue et rallier des villages exemplaires qui ressuscitent sous l’impulsion de continentaux enthousiastes. Car, si Nisyros ne bénéficie pas de la publicité des agences, le bouche à oreille auprès des amateurs de naturel égéen fonctionne. Le chef-lieu, Mandraki, se trouve au nord-ouest. Port de poche, blanc sur la roche sombre, que domine une fort construit au XIVe siècle par les Hospitaliers de Saint Jean de Jérusalem. Le monastère qui y est accolé possède une icône miraculeuse de la Vierge, patronne de l’île. Plus haut encore, ce sont les vestiges antiques du Paleokastro. Dans les auberges, on mange des boulettes de pois chiche, du cochon confit, du ragoût de chèvre. Et on boit de l’alcool de romarin. Il fait bon vivre à Nisyros. Milangonda / Adobe Stock   Par EMMANUEL BOUTAN   Photographie de couverture : Pablo / Adobe Stock

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