Equateur

En Equateur avec ma fille

En Equateur avec ma fille

Son nom est un copié-collé de la ligne sur laquelle il s’est posé. C’est rigolo de mettre un pied sur chaque hémisphère, et de regarder, sur un lavabo que l’on trimbale du nord au sud, le sens dans lequel l’eau s’écoule. Mais ça, c’est le gag qui cache la forêt.

 

Des histoires d’hommes

L’histoire précolombienne d’Equateur est encore remplie de mystères. Les restes archéologiques les plus anciens y datent de 3500 av. J.-C., et au xve siècle, le pays était peuplé de toute une mosaïque d’ethnies : Esmeralda, Manta, Huancavilca, Puná, Panzaleo, Puruhá, Cañaris, Paltas... Les Incas régnaient dans les montagnes et leur site d’Ingapirca nous plonge en enfance autant que dans l’histoire, avec son Temple du Soleil d’une rare forme ovoïde, tout comme celui du livre de Tintin. Les Espagnols détruisirent beaucoup, construisirent beaucoup aussi, nous laissant deux perles coloniales : la ville de Quito au nord, celle de Cuenca au sud, toutes deux inscrites au Patrimoine UNESCO, et leur religion, les temples fous qu’ils y consacrèrent, culminant avec l’église de la compagnie de Quito, baroque à l’extrême, dégoulinante d’or, faisant fi de tous les superlatifs pour recréer une beauté bien à soi.

Ma fille est une fille, elle aime bien les dorures et elle en redemande, mais elle voudrait aussi voir des animaux.

 

Le sommet le plus haut du monde

La terre n’est pas ronde, à l’équateur elle a des poignées d’amour. Alors, si l’on calcule les distances depuis le centre de la terre, le Chimborazo, 6 310 m seulement depuis la surface de la mer, gagne haut la main le mont Everest. Le Cotopaxi, lui, à 5897 m, est le volcan actif le plus haut du monde, sans nul besoin de faire des calculs compliqués. Mais pour les voyageurs que nous sommes, les chiffres ne sont pas si importants : ce qui compte c’est la beauté époustouflante de ces sommets en enfilade, une trentaine, il y en a tant qu’on nomme le coin « avenue des volcans ». La question sera : est-ce qu’on en gravit un, et lequel, histoire de voir le panorama de tout là-haut, ou reste-t-on contemplatif, tout petit face aux chapeaux blancs ? Ma fille caresse un lama, et un bébé lama, trop doux, ça lui rend les volcans encore plus beaux.

Le plus haut sommet du monde

Marc Oliver Schulz/laif-REA

 

Loin dans la forêt

On file plein Est : un bus, un autre bus, un bateau-taxi que l’on partage avec un groupe d’écoliers Quechuas qui vivent sur un village au bord du fleuve, puis une petite pirogue pour rejoindre notre éco-lodge. Nous avons changé de monde, basculé en Amazonie, une vie de forêt et d’eau, où les routes sont des rivières, et les chemins des ruisseaux – restent quelques sentiers à sec, pour marcher dans la forêt –. Y vivent des groupes huaranis, avec qui nous partageons quelques delicatessen (larves géantes grillées vivantes, à peine saisies, miam). Au petit matin les toucans se perchent près de notre cabane, des grappes de singes viennent nous dirent bonjour, des perroquets vert fluo piaillent, les oropendulas aux belles queues feu pullulent. Plus loin des trogons jaunes flamboient, et le royal quetzal nous fait l’hommage de sa présence. De gros varans. De petites grenouilles venimeuses dont les robes éclatantes crient silencieusement : « ne me mange pas, je suis toxique ! ». La nuit ce monde-là s’endort, les marches dans la forêt ont une autre intensité. Les arbres paraissent plus grands encore, les insectes s’activent : ici une araignée tisse sa toile, là un papillon sort de sa chrysalide, une cigale mue, çà et là on croise un oiseau qui dort, semblant décapité, la tête sous son aile. Sous l’eau, des crocodiles en pagaille, ma fille pêche quelques piranhas, ça a de grandes dents mais ne nourrit pas son homme, et elle ne veut plus repartir.

Foret d'Equateur

Ralf Kreuels/LAIF-REA

 

Le paradis des animaux

Je sors ma botte secrète, ce sont les îles Galápagos, presque un autre pays. Comme la terre mère l’archipel est bien ancré à cheval sur la ligne imaginaire mais si loin, à mille kilomètres des côtes du continent… Le bateau sautille d’île en île pour que l’on jouisse du festival : attention ! Attention lorsque l’on marche de ne pas poser le pied sur un iguane marin, dont la couleur de lave se fond avec le sol. Attention lorsque l’on plonge de ne pas toucher les animaux – laissons les faire, ce sont eux les rois du lieu, un bébé phoque farceur vient danser avec nous, et tapote du bout de son nez le verre de nos masques. Ici un pingouin fuse, clown maladroit sur la roche, fusée graphique en sous-marin. C’est dangereux les Galápagos, ma fille a bien failli s’étrangler, hurlant de bonheur dans son tuba, et avalant du même coup de grosses gorgées de Pacifique.

chevaux en Equateur

A.Joron / Fotolia

 

Par

VERONIQUE DURRUTY