Publié 10 avr. 2018
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RECIT DE VOYAGE
En provenance de Savannah (Georgia, USA), le porte-conteneurs Widukind arrive à Carthagène-des-Indes, la perle coloniale de la Colombie. Il lui a fallu trois jours de navigation à 20 nœuds et plus, pour couvrir près de 1 500 milles, environ 2 800 kilomètres.
Magies de la géographie des mers. Widukind file droit devant, cap plein sud, collé sur la ligne rouge de l’écran radar qui trace sa plus juste route. Météo clémente, petite houle de travers, courant de trois-quarts face. L’ordinateur a tout intégré, le capitaine Orencio Cortez a ajusté en tenant compte des horaires à respecter, de la consommation de fuel, des machines (35 000 CV) à ménager. Les Caraïbes défilent devant les baies vitrées de la salle de commande. Les passagers s’émerveillent, l’équipage jette un regard distrait. Le cargo traverse les Bahamas, longe Turks and Caicos, se faufile entre Cuba (Guantanamo) et Haïti (Cap Haïtien) via le Windward Passage, à peine plus large que le détroit de Gibraltar, et voici que pointent les côtes de la Jamaïque… Un vrai tableau pour pirates, vacanciers ou plaisanciers.
Justement, voici un trois-mâts, coque blanche, plus d’une trentaine de mètres, équipage tout de bleu marine, le chic absolu. Même pas un signe amical au porte-conteneurs qui obstrue brièvement son paysage. Plus tard, un paquebot de croisières, quinze étages sur mer, aucun appel radio. Cette nuit, trois cargos en vue, un autre porte-conteneurs, un pétrolier, une unité de pêche, silence sur les ondes. Un peu plus tard, le bateau gris des garde-côtes, pas la moindre demande d’identification. Etonnant. On imaginait la fraternité entre gens de mer soudée autour d’un bonjour de courtoisie, un signe de solidarité au cas où, une info sur la mer à venir. Rien. On jurerait que la règle exige de naviguer en silence. La parole de ces taiseux est précieuse, elle est réservée aux urgences. Soudain, en voici une, sur le canal radio d’informations générales : « Alerte à tous les navires sur zone. Présence d’une unité de l’US Navy. Surveillez votre route. Interdiction d’approcher à moins de 6 milles, je répète, US Navy, interdiction d’approcher à moins de 6 milles ». Un gigantesque porte-hélicoptères gris anthracite passe au loin. Le capitaine Cortez est éberlué : « Deux fois gros comme nous et il file à 27 nœuds ! On voit que le fuel ne leur coûte pas cher ».
Il est aux taquets. La compagnie allemande qui l’emploie, le paye pour livrer au plus vite et au moindre coût les centaines de conteneurs que transporte le bateau qu’il commande. Alors, on ne traine pas. Entre 20 et 22 nœuds (37 à 40 km/h) pour rejoindre en ligne droite Carthagène-des-Indes, sur la côte nord de la Colombie.
La belle a tout pour séduire. L’aura de ses trois siècles d’histoire (elle a été fondée le 1er juin 1533 devenant aussitôt la première capitale de la Colombie, terre où, paradoxalement, Christophe Colomb ne mit jamais les pieds) est matérialisée par 12 kilomètres de solides remparts toujours vaillants. Ils ont été édifiés entre 1600 et 1798 et sont classées par l’UNESCO depuis 1984.
La beauté ensuite de ses palais et monuments, cathédrale en tête, églises de quartier, cent palais de princes, pousser la lourde porte cloutée de la Casa Pestagua, le plus grand de tous, devenu hôtel Relais & Châteaux, maisonnettes bâties autour d’un patio fleuri, arcades fraîches… Enfin, quel charme ! Des placettes ombragées de jacarandas ou de flamboyants, fontaine et bancs où se pressent photographes, amoureux et vendeurs ambulants. Dès 18 heures, la musique s’installe et vive la fête ! On joue, on chante, on écluse ses mojitos en tirant sur de (faux) cigares cubains pendant que les belles marchent comme on danse et que leur hidalgo mal rasé leur assure une protection collée serrée.
Getty Images
Deux soucis quand même. Le premier tient à l’affluence croissante des visiteurs, surtout depuis que les paquebots américains ont découvert que cette escale enchantait leurs croisiéristes. A vouloir maximiser la recette, les autorités touristiques locales vont miner leur forteresse, la livrer aux marchands du tout faux (peintures, lunettes, sculptures de Botero, le héros local, foulards, sacs, cigares, alcools, etc.), en faire une Rhodes de pacotille, une énième attraction Disney du parc touristique international.
Autre problème, l’absence, ou presque, de plage à proximité de Carthagène. Après trois ou quatre journées passées ici au bonheur des pierres séculaires, il faut trouver un complément au voyage en Colombie. Ce peut être Punta Faro à deux heures de bateau, une île miniature, une petite plage et un hôtel bien rudimentaire et cher. Ou carrément l’île Providencia, une caraïbe colombienne à deux ou trois heures de vol selon les escales qui se terminent obligatoirement à bord d’un coucou de 19 sièges en provenance de San Andres. Voilà un signe d’authenticité, le label des îles à l’écart des codes ordinaires. On débarque effectivement sur une autre planète et c’est une excellente nouvelle.
Matthieu Salvaing
Dès le premier taxi, le ton est donné, le son aussi. A Providencia, on est dreadlocks et reggae. Columbia, c’est où ça ? Jamaica, brother ! Ajoutons ce particularisme des îles, les vraies où le temps n’a guère d’importance, les horaires, connais pas, mais personne ne restera sur le bord de la route. Insouciance et fraternité tropicale. Ils sont 5 000 à partager la « cool attitude » locale, sur un territoire grand comme un confetti de 15 km de long dominé par une élévation dont l’éventuelle ascension fatigue rien qu’à la regarder. Une route en fait le tour. Alors, on loue « una mula », une mule comme on appelle ces engins miniatures à boite automatique, quatre grosses roues et aucune fenêtre, capables d’encaisser les trous du macadam, de rouler dans le sable, peut-être même de grimper au mur. Au volant de sa mula, on devient prince de Providencia ! Sur le parking de l’hôtel, essentiellement des pensions de familles simples et sans excès de caractère, comme sur la route qui découvre une succession de petites criques ainsi que trois grandes plages. Splendides. Tapis de sable doux, eau claire et vague bienveillante. Sous la cocoteraie, un estaminet de pirate, barraque en bois, planches en guise de bancs comme de tables, gril sur la braise… Et un mur d’enceintes, les Rolling Stones ne font guère mieux, qui crache le reggae comme un hymne au soleil. Cocktail, bière et langouste pour tout le monde !
A l’aller ou au retour, pause nécessaire dans la capitale de poche, Old Town. Plusieurs supermarchés, des pontons peu fréquentés et surtout, deux distributeurs d’argent, une nécessité. Les commerçants, loueurs et certains hôteliers compris, ignorent la carte de crédit. Taquinerie, l’un des deux automates est régulièrement en panne. Personne ne s’en formalise. Que valent ces coupures de 1 000 en face d’une bonne partie de rigolade, d’une œillade coquine ou du crépuscule qui jette le feu, l’or et le pourpre sur l’horizon ? Le ciel demande-t-il alors un billet ?
Depuis la passerelle du Widukind, le capitaine Cortez calcule son cap vers le canal de Panama, 260 milles à couvrir. Rendez-vous a été pris avec le pilote qui assurera le passage entre Atlantique et Pacifique demain à partir de 7 heures. La tension monte. Quatorze bateaux sont devant et passeront durant la nuit, vingt-six attendent derrière. Le trafic maritime international reprend ses droits. A Providencia, on se passionne peu pour la route des porte-conteneurs. On lui préfère celle du bonheur.
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Par
JEAN-PIERRE CHANIAL
Photographie de couverture
FAUSTINE POIDEVIN
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