Varanasi, capitale spirituelle de l'Inde

Inde

Bénarès, capitale spirituelle de l'Inde

Publié 01 janv. 2019

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Attention, choc. La ville lovée sur une élégante boucle de la rive gauche du Gange vit une relation intense avec le ciel. Ici, l’Inde se raconte dans un chaos de couleurs, de fumée, d’incantations, de foule pressée, de mantras sacrés, de regards fiévreux, de larmes aussi. Frapper à la porte de Shiva, c’est accepter de perdre ses repères et découvrir un ailleurs dont on ignorait jusqu’à l’existence. Inutile de résister, le fleuve dit la vie, il en éclaire le sens.

 

Tout hindouiste doit une fois au cours de son existence se baigner dans le Gange à Bénarès. La règle est simple, indiscutable, divine. Le but ? Se laver de tous ces péchés qui se perpétuent le cycle de ses réincarnations, le samsara, dans les mondes de matière et d’imperfections, donc de souffrance. Pour atteindre le moksha (équivalent du nirvana des bouddhistes), la fin de ces damnées résurrections, le fleuve et Bénarès, fondée il y a plus de 2 500 ans, sont la solution. La raison ? Il faut admettre que l’affaire commence avec un certain panache.

 

Silhouette phallique

Son origine se perd dans la nuit des temps et passe pour une des pages de la genèse hindouiste. Voilà qu’une déesse sérieusement courroucée libère les eaux de l’Himalaya, histoire d’en finir avec cette version misérable de la vie ordinaire. Le déluge est là, prêt à inspirer Noé, sauf que Shiva s’en mêle, descend d’une colonne de lumière et déboule sur Terre avec une classe digne de son rang. Il dénoue alors sa longue chevelure, elle assagira les eaux torrentielles puis les canalisera jusque sur le site de Bénarès, avant qu’elles glissent jusqu’au golfe du Bengale. En signe de bienveillance, il laisse sur place un magnifique lingam installé dans le Temple d’Or coiffé d’un dôme couvert de métal précieux. Les puristes l’appellent Kashi Vishwanath.

Femme au bord de l'eau en Inde

Justin Mott/REDUX-REA

Ce divin lingam est une lourde pierre sombre verticalement fichée et soigneusement polie. Sa silhouette phallique ne trompe que de jeunes innocentes. On vient de tout le pays se prosterner devant cette singulière marque de puissance installée au plus sombre du cœur de ce bâtiment édifié dans la vieille-ville, Chowk, au XVIIIème siècle. Dommage, il faut se fier au témoignage de ceux qui sont admis à la visite pour en savoir l’extraordinaire ferveur qui règne à l’intérieur. L’entrée est en effet interdite aux non-hindouistes. Et si une porte s’entrebâille, elle ne donne accès qu’au premier cercle extérieur sans grand intérêt. Ni chaussures, encore moins d’appareil photo ou de téléphone ne sont tolérés. Résultat, c’est ici que la Foi irradie, avant d’illuminer le bord du Gange.

 

Cercueil ou brancard de bambou

Bénarès (ou Varanasi, 2 ou 3 millions d’habitants, personne ne sait vraiment, sans parler des 3 à 4 millions de visiteurs chaque année) est reine spirituelle de l’Uttar Pradesh, un état du nord de l’Inde peuplé d’au moins 200 millions d’habitants. Pour rappel, le pays compte environ un milliard de citoyens. New Delhi est à 780 kilomètres, Calcutta à 682. On y arrive comme on peut depuis partout, en avion, en train bondé, en voiture cahotant sur des routes improbables, à bord d’un bus affaissé croulant sous les grappes de passagers, sur une pétrolette fumant tout le carbone dont elle est capable, et même à pied. Les moins chanceux touchent au but allongés dans un cercueil, voire posés sur un simple brancard de bambou porté par quatre dévoués.

Bateaux en Inde

stock.adobe.com

Le vieux centre piétonnier par force tant ses venelles sont étroites, encombrées de vaches sacrées (attention aux bouses fraîche !) et de chiens errants, mérite qu’on s’y attarde pour son marché à tout qui grouille de l’aube jusqu’au crépuscule : alimentation, saris, Varanasi est réputée pour ses soieries, artisanat, pièces de rechange pour mobylettes, fleurs, pharmacopée des plantes, jouets de bois, ustensiles de cuisine, épices… Le reste, il suffit de demander. Voir aussi, mais de loin, quelques splendides palais décrépis et une multitude de temples fermés à la visite des étrangers. Qu’importe, Bénarès rayonne surtout le long du Gange. Le fleuve est large, plus de 1 000 mètres. Les constructions se sont développées uniquement sur la rive gauche. Emotion garantie. L’image, inoubliable dès le premier regard, reste à jamais gravée dans la mémoire.

 

Spectacle unique au monde

Sur la photo se succèdent palais aux façades colorées (les bonnes fortunes des siècles passés aimaient entretenir une résidence en des lieux aussi saints), masures plus humbles et boutiques pour pèlerins. Surtout, les fameux escaliers de granite, ici on dit les ghâts, se succèdent sur environ 7 kilomètres et garantissent un spectacle unique au monde.

Grimper dès mâtines sur une barcasse afin de se trouver face à la scène terriblement colorée, invariablement animée, qui se tient côté terre. Piège à touriste, certes, mais les tarifs pratiqués en Inde ne ruinent guère pour savourer cet épisode de voyeurisme assumé. Théoriquement, il est interdit de photographie, encore plus de filmer. L’homme du bateau se montrera compréhensif, surtout en échange de quelques roupies supplémentaires.

D’une part, la vie. Solitaires, familles entières, jeunes couples, tout le monde procède à de soigneuses ablutions. On se lave les dents, les pieds, les cheveux, probablement le fessier dans une eau marronnasse à faire bondir un écolo fut-il moyennement vertueux. Jeter offrandes et fleurs en vrac dans le courant va de soi, comme piquer une tête histoire de se dégourdir ou de s’enduire de la précieuse eau. Remarquer aussi qu’on se gargarise, que les vertueuses épouses battent contre la pierre le linge juste lessivé, qu’on se cure les ongles et qu’on n’hésite pas à siffler un petit gorgeon de l’eau qui court, il fait si chaud… Ambiance joyeuse ou recueillie, yogi en pleine méditation, des enfants jouent en s’éclaboussant, une poignée de buffles noirs se joint à la compagnie, on étend en grand les saris de toutes les couleurs et tout va bien.

 

Dernier voyage souhaité

D’autre part, la mort. Bénarès est un dernier voyage souhaité. Nombre de masures en ville, ailleurs on dirait taudis, abritent celles et ceux que l’on sait condamnés. Ils rendront leur dernier souffle à deux pas du Gange, ce sera plus simple pour les transporter jusqu’au bûcher. D’autres, moins prévoyants ou trop promptement enlevés à l’affection des leurs, arrivent portés par les membres de la famille qui auront réservé une place sur le Manikarnika Ghât, des escaliers avec vastes plateforme capables d’accueillir une trentaine de crémations simultanées.

Les professionnels de l’art préparent les piles de bois. Service payant assuré par des membres de la caste des intouchables. Ils sont les seuls à disposer du droit de toucher les cadavres. Certains malicieux prétendent que ce sont les plus riches habitants de Bénarès. En comptant 40 000 incinérations par an et plus de 300 kilos de bois nécessaires pour chacune, le constat est crédible. Inutile d’insister, photographier la cérémonie est totalement proscrit et ne pas jouer au plus malin, les gros bras veillent pour taxer lourdement les indécents.

Barque sur le Gange

Helentopper/ Fotolia.com

Le corps passe du brancard au sommet du bûcher. Sari rouge, c’est une lady, blanc, il s’agit d’un homme, doré, on a affaire à un senior. Feu, s’il vous plaît. L’assemblée des proches frappe les tambours, agite les clochettes, chante les psaumes sacrés, lance sa prière au ciel. Seuls les hommes sont présents, personne ne souhaite le chœur des pleureuses. Il n’y a pas si longtemps, lorsqu’un homme trépassait, il était de bon ton que sa femme le rejoigne très volontairement dans les flammes. Le fils ainé du défunt, ou bien son frère, s’empare d’un bâton et frappe un coup sec sur le crâne en flamme. Le geste libère l’âme, lui ouvre l’envol sur le grand chemin. Au bout de trois heures, la libération est acquise.

Restent les cendres. Les intouchables gèrent, balayent, rassemblent, réduisent les ossements qui restent et livrent le tout aux eaux du fleuve. Vite, il faut préparer le prochain bûcher. La joie de la famille est aussi extrême que sincère. Voici leur défunt libéré de ses renaissances obligées, enfin admis en l’état de pleine lumière auprès des maîtres de l’harmonie céleste. Mission accomplie pour un dernier voyage à Bénarès.

 

Par

JEAN-PIERRE CHANIAL

 

Photographie de couverture

ATUL LOKE / REA

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