Au pied du continent africain, la nation arc-en-ciel répond à toutes les espérances. Paysages grandioses, nature abondante, histoire poignante, étonnante mosaïque de peuples : un périple sudafricain est l’un des chapitres forts d’une vie de voyageur. Accompagnée de 5 spécialistes de la destination, notre rédactrice en chef Valérie Expert et ses invités, échangent sur les paysages, les villes, les vins, l’art et l’Histoire de la nation sudafricaine.
Avec la présence de Georges Lory, ancien conseiller culturel en Afrique du Sud et spécialiste de la littérature sud-africaine , Denis Garret, sommelier, installé en Afrique du Sud depuis deux ans et chef sommelier du vignoble Benguela Cove à Hermanus , Fabrice Dabouineau, Directeur du Département Afrique de Voyageurs du Monde, Jean-François Rial, PDG de Voyageurs du Monde et Michel-Yves Labbé, Président et Fondateur de Départ Demain.
L’Afrique du Sud des vins
Comment parler de l’Afrique du Sud sans mentionner les vignobles ? Denis Garret connait son sujet : il a goûté 4 500 vins différents en 18 mois ! “Tout d’abord, le vin sud-africain a énormément de fruit. C’est un bonheur, une générosité. On peut à partir des raisins de très grande qualité faire de très grands vins, boisés, non boisés, pour tous les types de clientèles… “, confie-t-il avant de révéler un précieux conseil : “Il faut commencer par acheter l’incontournable guide Platter qui donne les meilleures adresses de vignobles”. Ensuite, il n’y a plus qu’à louer une voiture… Vins du nouveau monde, certes, mais la viticulture n’a pas commencé hier sur le sol sud-africain. Elle remonte au 17ème siècle et à l’implantation de Huguenots français dans la région du Cap. Depuis, elle n’a pas cessé de se développer. “Dans le nord, par exemple, la région du Swartland produit des vins d’excellente qualité, des produits magiques mêmes, notamment du Chenin Blanc…”, ajoute Denis.
La conversation s’anime, comme dans une bonne soirée entre copains. Michel-Yves contre-attaque gentiment : “ Le vin sud-africain, il est bon. Qu’il soit le meilleur du monde, je ne suis pas certain quand même, il est très fruité, il y a de bons vins blancs mais pas beaucoup de longueur en bouche, et je n’ai pas vu beaucoup de rouges…” Le débat s’envenime gentiment, vins du nouveau monde contre vins de l’ancien, un classique vite enrayé par Jean-François pour qui l’important, ce ne sont pas tellement les vins mais l’expérience, l’accueil et la mise en scène chez les vignobles. “En France, on est des ringards absolus ! En Afrique du Sud, les châteaux et les maisons hérités des Huguenots sont sublimes, dans des paysages incroyables à seulement une demi-heure du Cap et on est au soleil toute l’année !”. Chaque vignoble a son restaurant, ses chambres d’hôtes et un accueil unique. Certains, comme Fairview, vont jusqu’à intégrer à leur vignoble parc de loisirs, distillerie, brasserie, fromagerie, boulangerie, fabrique de chocolat et de thé … un vrai complexe qui mêle gastronomie et divertissement. La discussion est convaincante : l’angle “vignobles” est incontournable en Afrique du Sud du néophyte au grand connaisseur, Fabrice Dabouineau dévoile plusieurs formules de voyages adaptées en fonction des goûts, des connaissances du voyageur.
Safaris dans le Kruger et hors-piste
Les vignobles ne sont pas les seuls à avoir l’apanage du sens de l’accueil. On le retrouve partout ailleurs, notamment dans les lodges, avec un art de vivre en brousse qui lie confort, bien-être et raffinement. Michel-Yves Labbé est un fan du parc Kruger, la plus grande réserve naturelle d’Afrique du Sud, au nord-est du pays où l’on peut voir les fameux “Big 5”, c’est à dire des lions, des rhinocéros, des léopards, des buffles et des éléphants. Il mentionne également d’autres réserves moins connues de la West Coast qui présentent l’avantage de faire des safaris sans craindre le palu. Outre la garantie quasi certaine de voir ces animaux, les réserves sud-africaines sont les plus anciennes d’Afrique, le pays est par ailleurs précurseur en matière préservation des animaux. “On ne parle pas de zoos mais de vraies réserves naturelles où on voit les animaux des dans des conditions magnifiques, notamment des rhinocéros, une des espèces les plus menacées”, explique Jean-François Rial avant d’aborder ses coups de cœur comme la route qui traverse l’Etat Libre d’Orange, “dans des couleurs de tous les oranges variés, avec les montagnes au loin”. Une route que Georges Lory recommande aussi, “un semi-désert aux coloris incroyables. J’aime aussi des coins perdus comme la ville de Pella, une immense palmeraie, une petite église complètement construite en coquillages et il ne faut pas oublier la mer et la superbe ville de Knysna sur l’Océan Indien…”
Une nouvelle démocratie et une culture en transition
L’Afrique du Sud, c’est aussi le poumon de l’Afrique, une puissance économique et aujourd’hui une vraie démocratie, “avec un président contesté mais démocratiquement élu. Les fondements économiques sont bons. Bien sûr, il y a des laissés pour compte, ceux qui sont restés au bord du chemin, mais il y a désormais une classe moyenne noire qui se développe à grande vitesse, qui a vu le changement, et qui est aspirée par ce mouvement vers le haut”, explique Georges Lory qui nous fait découvrir un autre aspect de l’Afrique du Sud à travers une littérature et une culture riches. Ainsi, on n’écrit plus tant sur l’Apartheid mais sur les problèmes d’aujourd’hui. Parmi les auteurs contemporains à lire : Deon Meyer et ses polars qui font découvrir tout le pays, John Coetzee, Kopano Matlwa jeune auteure noire post-Apartheid qui raconte justement dans “Coconut” cette nouvelle génération de filles “noires à l’extérieur, blanches à l’extérieur” qui aspirent à avoir la vie des classes moyennes blanches. Les classiques de la littérature sudafriacaine sont également abordés : “Une saison blanche et sèche”, d’André Brink, “Pleure oh mon pays bien-aimé”, d’Alan Paton ou encore “Un arc-en-ciel dans la nuit” de Dominique Lapierre. Un quart de siècle après la fin de l’Apartheid, l’histoire de l’Afrique du Sud en est toujours imprégnée, notamment à Johannesburg où tous les protagonistes du podcast de Valérie recommandent vivement la visite du Musée de l’Apartheid. “Il faut au moins deux jours pour vraiment en profiter”, commente Jean-François Rial avant de dévoiler son parcours idéal dans cette ville mythique.
Musée de l'Apartheid
Johannesburg, entre Los Angeles et Berlin
“Johannesburg est une ville qui fourmille, une ville où on est dans le nouveau monde dans le sens accéléré du terme, une ville indispensable pour comprendre l’Afrique du Sud”, décrit Fabrice Dabouineau. “Mais aussi une ville où il faut un bon guide, où il faut être initié”, ajoute Michel-Yves Labbé. Tous la comparent à la fois à Los Angeles et à Berlin. Los Angeles car elle n’a pas vraiment de centre-ville, de repères visuels : c’est une succession de petites villes, de quartiers. “Comme LA, on la trouve laide à priori mais tous ceux qui y sont allés de façon un peu initiée l’adore”, commentent-ils en choeur. Berlin pour la créativité car “c’est là que tout se passe. Il y a une vraie effervescence, des galeries étonnantes, parfois au fin fond d’impasses coupe-gorge, des bistros très sympas où les blancs et les noirs, les créatifs en tous genres se mélangent. Ca me fait penser au Montparnasse de l’entre-deux guerres”, décrit Michel-Yves Labbé. “Précisément, surenchérit Georges Lory, c’est seulement à Joannesburg que les blancs et les noirs se mélangent. On ne peut pas dire ça du Cap”, et oui “l’Afrique du Sud arc-en-ciel, c’est Johannesburg. Et c’est aussi une ville très africaine où vivent des communautés de Nigérians, de Camerounais, de Zimbabwéens et d’autres encore”, ajoute Fabrice Dabouineau. C’est aussi une capitale économique de taille puisqu’elle y abrite la plus grande bourse d’Afrique. Les invités de Valérie Expert ne tarissent pas d’éloges pour le poumon économique du pays, s’extasient sur les couleurs de la ville dont le ciel en juillet et août prend des teintes uniques, presque violettes. Ils évoquent également la nature qui l’entoure, une forêt artificielle, la plus vaste au monde. “Et il y a les orages ! Johannesburg est la ville la plus foudroyée au monde. Les minerais dans la terre attirent particulièrement la foudre”, explique Georges Lory.
Quartier de Maboneng à Johannesburg
Tant d’éloges pour une ville que les circuits touristiques évitaient il y a encore quelques années pour des questions de sécurité. Qu’en est-il aujourd’hui ? “Il ne faut être ni angélique ni parano”, explique Georges Lory, il faut faire attention. “C’est un pays du Tiers-Monde, on ne va pas n’importe où à n’importe quelle heure. Néanmoins, comme touristes, on peut faire beaucoup de choses”. D’ailleurs, on peut même désormais visiter les “Townships” - “Plus cool, tu meurs !”, ironise Michel-Yves - et à Soweto, la maison de Mendela, “c’est folklorique, ajoute-t-il, par contre il ne faut pas manquer le musée Hector Pieterson, très émouvant qui raconte l’histoire du soulèvement de Soweto contre le régime de l’Apartheid. Une partie de l’histoire de l’Afrique du Sud sur laquelle les invités de Valérie reviennent en parlant d’un passage peu connu et pourtant de taille : celui de Gandhi dans le pays. Il y résida dix-sept années dont deux dans une maison de Johannesbourg, la Satyagraha, un nom qui en sanskrit signifie “la force de la vérité”. Dans cette maison aujourd’hui aménagée en Guest-House et en musée, il devint militant politique et conçut une stratégie basée sur la non-violence qui lui servit quelques années plus tard pour lutter contre l’impérialisme britannique en Inde. “Gandhi était l’un des maîtres à penser de Nelson Mendela, il faut aller à Johannesbourg pour vivre cette histoire, du musée de l’Apartheid à la maison de Gandhi en passant par Constitution Hill, c’est une histoire qu’on ne peut pas éviter”, conclut Jean-François Rial.
Le Cap, une ville qui s’offre au premier regard
Johannesburg est riche de vie, d’histoire, de culture, d’art et d’inspiration. Impossible pour autant de négliger Le Cap, “une ville qui s’offre au premier regard. On ne peut pas faire autrement que de passer par Le Cap, c’est une des plus belles villes au monde ! “, s’insurge presque Michel-Yves Labbé. La ville est située sur un site exceptionnel, une montagne de plus de 1000 m d’altitude domine la baie. “Dans le monde entier, seule la baie de Rio peut rivaliser avec celle du Cap !”
C’est d’ailleurs par la mer en suivant les côtes magnifiques de l’Afrique du Sud que l’émission se termine. Michel-Yves Labbé dévoile sa traditionnelle carte postale : un parcours depuis Le Cap jusqu’à la station balnéaire de Muizenberg. “Le but, c’est d’aller voir les requins sauteurs ! Soit vous restez sur le bateau, soit vous allez dans la cage. Un bébé phoque en mousse - je vous rassure - sert d’appât aux requins. Et là vous verrez quelque chose qu’on ne voit nulle part ailleurs : des requins sauteurs !”. La carte postale ne s’arrête pas : elle suggère de reprendre la route vers Hermanus, cette fois-ci pour voir des baleines. “Le mieux, c’est carrément de prendre un petit Cessna quatre places pour survoler l’océan. Les eaux sont tellement claires que l’on voit parfaitement la forme des baleines accompagnées de leurs baleineaux…”, une vue d’en haut qui peut révéler des ébats surprenants de baleines et en poussant plus loin vers le sud, celle du bout d’un continent au Cap des Aiguilles, où l’Océan Indien rejoint l’Atlantique.
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