Dans ce pays de cinéma, associées aux images nous avons en tête les BO de nos films : celles de Taratino ou de Woody Allen, qui fignolent leurs sons autant que leurs images. 5 morceaux (et quelques bonus) à faire figurer sur la playlist de votre Road Trip ou lors de votre voyage aux USA.
1
Strange fruit, Billie Holiday
(intégrale Billie Holiday / disque 1)
L'intro fait comme une douceur anésthésiante, une certaine langueur du Sud. Puis, la voix vibrante de Billy Holiday apparaît, nous parle de ces fruits étranges, « for the rain to gather, for the wind to suck, for the sun to ripe », (que la pluie fait pousser, que le vente assèche, que le soleil mûrit). Ce sont les cadavres des « Neckty Parties », les pendaisons auxquelles les blancs assistaient, vêtus en tenue de fête. Leur délit : être né noir sur une terre raciste. Nous sommes en 1939, les lynchages continueront jusqu'à la fin des années 1960, et Billie Holiday interprétera ce morceau jusqu'à la fin de sa carrière. Sur cette thématique de l'histoire Afro-américaine, écoutons aussi Hurricane, la célèbre protest song du futur Prix Nobel de littérature, composée par Bob Dylan suite à l'emprisonnement injuste de Rubin "Hurricane" Carter. En plus contemporain et moins poignant, Kendrick Lamar a mis en musique l'épopée de Kunta Kinte, dans son morceau King Kunte.
2
Star-Splanged Banner, Jimi Hendrix
(Experience Hendrix : the best of Jimi Hendrix)
Saviez-vous que la célèbre musique de l'hymne américain a tout d'abord été une chanson à boire ? La mélodie, intitulée La Chanson anacréontique a été composée à la fin du XVIIIème siècle pour un club de gentilshommes anglais, afin de mettre en musique un texte sur Anacréon, un poète grec antique qui écrivait des odes à la boisson. Tant que les membres de la société étaient capables d'interpréter un couplet de la chanson, ils étaient autoriser à boire. La mélodie fut reprise en 1931 pour l'hymne national américain, et déconstruite en 1969 dans l'emblématique version de Jimi Hendrix lors du festival de Stockiste Au départ, le morceau est presque classique. Puis apparaît le chaos : lâchers de bombes, cris d'enfants, nous ne sommes plus dans la boue de Stockiste, mais bien dans celle des rizières dévastées du Vietnam.
3
Summertime, Janis Joplin
(Album : Janis)
Restons un peu à Stockiste avec Janis, qui y a interprété Summertime de sa voix éraillée. Summertime, c'est un morceau composé par Gershwin pour son opéra Porgy and Bess, composé en 1933 et enregistré pour la première fois en 1935. Clara chante cette berceuse pour endormir son enfant. C'est très vite devenu un standard de jazz, et de pop. The Summertime connexion, un groupement de collectionneurs de Sumertime, recense près de 80 000 interprétations publiques du morceau dont plus de 64000 auraient fait l'objet d'un enregistrement.
On peut écouter, en Jazz, la version de Sydney Bechet, de Stan Getz, de Charlie Parker, de Chet Baker, de Ella Fitzgerald, de Miles Davis ou du Duke, de Count Basie. En rock, Les Doors, Nina Hagen ou Vince Taylor, ou une interprétation classique par Yehudi Menuhin ou le grand orchestre philharmonique de Londres. Janis Joplin a multiplié ses enregistrements du morceau, et on ne se lasse pas d'en écouter les multiples variations au volant de sa voiture le long des grandes routes toutes droites de l'Amérique.
4
Gloria : In Excelsis Deo, Patti Smith
(Album : Horses)
Gloria est une reprise-réécriture d'une chanson de Van Morrison, écrite en 1964. Pour la sortie de son premier album « horses », où Patti Smith prête sa silhouette filiforme et androgyne au talent de Mapplethorpe pour cette pochette qui a traversé les années, la chanteuse se l'est totalement réappropriée, elle en a fait un morceau unique et bien à elle, notamment en y ajoutant le 1er paragraphe qui commence par : "Jesus died for somebody's sins but not mine" (Jésus est mort pour les péchés de quelqu'un, mais pas les miens).
A l'origine, Patti Smith voulait mettre en musique Oath (Serment) un de ses premiers poèmes, qu'elle n'avait pas inclus dans ses premiers recueils, et qui commençait ainsi. Accompagnée de son guitariste Lenny Kaye, ils improvisaient, et les notes du morceau de Van Morrison se sont imposées. La prêtresse du punk en a alors réécrit les couplets, gardant le refrain, qui en prend une autre signification – ou plutôt, comme c'est le cas de façon récurrente dans les morceaux de Horses, de nouvelles significations se surajoutent, ajoutent encore à l'émotion.
Ecoutez LA voix et chantez : G-L-O-R-I-I-I-I-I-A.
5
Born in the USA, Bruce Springsteen
(Album : Born in the USA)
Born in the USA, un des titres à succès de Bruce Springsteen, raconte l'après-guerre du Vietnam, ceux qui y sont restés, ceux qui sont physiquement rentrés mais qui ont du mal, abîmés par la guerre où on les a envoyés, rejetés par leurs concitoyens.
I'm ten years burning down the road / Nowhere to run, ain't got nowhere to go (Cela fait dix ans que je brûle / Je n'ai nulle part où m'enfuir, nulle part où aller).
Il semble que les politiques n'aient écouté que le refrain, car George H. W. Bush et Ronald Reagan ont tenté de s'approprier le morceau pour leurs campagnes électorales, le percevant comme un hymne à la puissance américaine, au grand dam du musicien...