Etats-Unis

Les marchés de New York

Les marchés de New York

Plus confidentiels que les musées, aussi bondés que les salles de concert ou les boutiques de mode, moins frimeurs que les buildings qui s’en vont gratter le ciel, les marchés de Manhattan sont les plus belles cachettes de Newyorkais.

 

Fraîcheur, nature et sincérité. A l’heure du bio triomphant (prononcer « organic »), de la vague végétarienne (dire « vegan ») qui s’empare de tous les appétits et des salles de sport qui font le plein H24, on ne plaisante plus. Les militants du hamburger triple épaisseur et du cheesecake victime d’une avalanche de crème fouettée ont beau dénoncer la nouvelle dictature du « healthy », leur bataille est perdue. Ils vont sous peu être condamnés à la clandestinité à moins de préférer l’exil au Texas ou dans le Colorado. New York est balayée par l’envie du vert, du sain et du léger. Pas un quartier qui ne vante ses jardins citoyens, des parcelles en attente de gratte-ciel qu’un collectif de voisins s’approprie pour y planter une rangée de salade, quelques plans de tomates, un carré de choux. Pas un toit plat qui ne se retrouve un jour ou l’autre livré à la bêche et au râteau de ceux qui habitent les étages inférieurs. Expert de la finance en semaine, roi du jardin chaque dimanche. Tailleur griffé avec stiletto ce soir, tablier vert, bottes de caoutchouc, arrosoir à la main demain matin. Et pour tout le monde, rendez-vous sur les marchés de Manhattan.

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Le marché caché de Grand Central Terminal

Le plus pratique reste celui que cache Grand Central Terminal, la sublime gare de New York (Lexington Ave et 43ème rue). Elle mérite à elle seule la visite. Voûte grandiose frappée des constellations, immense salle des pas perdus, marbre à profusion, propreté exemplaire et souvenir des nombreux films qui en firent leur décor, La Mort aux trousses, French Connexion, Men in Black II, Cotton Club, etc. Dans une des galeries du rez-de-chaussée un marché enchante les pressés qui courent après leur train ou bien veulent rentrer avec le dîner. Bonne pioche. Une quarantaine d’étals sont alignés de part et d’autre d’une grande allée. Légumes, fruits, fleurs, pain, vins, fromages… C’est joliment présenté avec un parti-pris italien clairement affiché. Alors, sans hésitation, le marchand de charcuterie comme la vendeuse de glaces parlent avec l’accent du pays, en roulant les « r ». Grazie Mille !

marché à NYC

ablokhin/Getty Images

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Le très fréquenté Chelsea Market

Le plus fréquenté sert de cadre à de nombreux shootings de mode et est devenu en quelques années le haut-lieux des tendances newyorkaises. Le Chelsea Market (9ème Ave, entre la 15ème et la 16ème rue) occupe le rez-de-rue d’une usine de cookies construite en 1898. Les décorateurs ont soigneusement gardé ce décor industriel fait de briques, de fonte, de portes en fer, d’anneaux et de gros tuyaux courant au plafond le long des allées. Superbe. On y compte 44 boutiques, toutes aux couleurs de tendances du jour : cafés du monde torréfiés sur place, étals d’huiles d’olives certifiées bio, savons en piles, fleurs du jardin, pâtisseries maison, bonbons pour mamans gourmandes ou tops de passage, fromages affinés dans nos caves, vins sélectionnés par notre œnologue, huîtres vendues à l’unité et poissons pêchés de la nuit dernière… Tarifs célestes et ambiance bobo revendiquée, sorte de Bon Marché version américaine, malgré l’uniforme local, t-shirt, short, casquette et Nike dernier modèle, 200 dollars minimum s’il vous plaît, lacets fluos pas exigés.

NEW YORK OFF ROAD

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Le plus select, le Gansevoort Market

Encore plus sélect, son voisin, le Gansevoort Market (52 Gansevoort Street) est fréquenté par les brindilles en jogging juste sorties de leur dernier shooting et les artistes en salopette tachée de peinture. Ignorer qu’on est sublissime pour les premières, sembler assez peu concerné par son immense talent pour les seconds. Et rendez-vous dans ce vieil immeuble de briques où jadis se retrouvaient les maquignons venus acheter la viande par quartiers entiers. On est en effet ici au cœur du Meatpacking, les anciennes halles, devenu repaire d’artistes, de créateurs, de galeries, de modeuses et de restaurants bondés. Le tout sous l’égide du phare de l’endroit, l’hôtel Gansevoort, l’inventeur du toit-terrasse à Manhattan avec bar ultra-branché et piscine. Certaines nuits d’été, entre lunettes noires, maillots rikiki et cocktails colorés, le cœur de New York bat fort. Récemment, le quartier a encore gagné en agrément. C’est en effet d’ici que part la High Line (très originale promenade aérienne végétalisée entre la 14ème et la 23ème rue) et qu’a ouvert le Whitney Museum, dernière pépite de l’art moderne américain. Alors, direction le marché intimiste où un combi Volkswagen période Woodstock sert de food truck (tacos mexicains et jus de fruits bio). De part et d’autre, derrière de vieux comptoirs de bois brut, sourient une vingtaine de vendeurs dans l’air du temps. Yaourts faits à la demande, macarons comme chez Ladurée, pâtes fraîches, thés et cafés du monde, glaces, sans oublier l’inévitable italien dont les chiffonnades sont, paraît-il les meilleures de Manhattan.

ONNES/Getty Images

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En plein air, le marché de Union Square

Une barquette de framboises du jardin à picorer en marchant et il est temps de rejoindre Union Square pour trouver, enfin, un marché de plein air. Un vrai. Les étals, une centaine, sont tenus par les paysans venus de toute la région, y compris les Amish du comté de Lancaster, barbe à la ZZ Top et chapeau pour eux, robe longue, chignon et mignonne coiffette bordée de dentelle pour elles. Ici, le bio est impératif. Dans les cagettes, la tomate est difforme, la courgette sérieusement cabossée, la carotte toute terreuse et le navet très vilain. Tout cela doit donc être follement bon. Miel et confitures figurent en bonne place, tout comme les fleurs, les fruits (les fameuses pommes de l’état de New York ont donné son surnom à la ville) et les fromages. Noter qu’au centre de Union Square se trouve la plus vieille statue de Manhattan. Elle représente George Washington à cheval et a été installée en 1865. A côté, une autre statue, celle de Lafayette. Les Français apprécieront. 

JayLazarin/Getty Images

 

Texte

JEAN-PIERRE CHANIAL