Portugal

Madère vs. Les Açores : le match en 5 rounds

Madère vs. Les Açores : le match en 5 rounds

Madère et les Açores se dressent au milieu de l’Atlantique comme des mondes parallèles. Les deux archipels offrent des paysages spectaculaires, une identité forte, un sens aigu de l’hospitalité. Mais quand Madère est solaire, fluide, accessible, les Açores sont secrètes et sauvages. L’une est un jardin en terrasses baigné de douceur, l’autre une constellation minérale sur l’Atlantique. Madère séduit par son climat, ses fleurs en cascade et ses sentiers soignés ; on aime les Açores pour leurs panoramas changeants et leur nature brute. Tour d’horizon des perles atlantiques du Portugal.

 

Deux façons d'habiter le monde

À Madère, le lien avec le Portugal continental est fort et assumé. L’île se perçoit comme une extension tropicale de Lisbonne : on y suit les actualités nationales, les jeunes vont étudier à Porto, on reçoit la visite de la famille du continent. Funchal s’apparente à une petite capitale portugaise transplantée en Atlantique : ruelles pavées, façades blanches, marchés animés, et cette façon tranquille d’habiter le temps. Ce sont aussi l’ensoleillement, la proximité avec le continent, l’Internet haut débit et le coût de la vie abordable qui ont attiré de nombreux digital nomades venus de toute l’Europe, qui s’installent sur l’île sans bousculer l’ordre établi mais en lui apportant une énergie nouvelle.

Situé plus à l’ouest, à 1370 km des côtes du Portugal, l’archipel des Açores cultive une identité forte, façonnée par l’isolement et la rudesse du climat. On y ressent un certain détachement du continent, comme si les îliens appartenaient d’abord à l’île, à la paroisse, à l’océan. Chaque île protège ses traditions, ses musiques, son parler. Le quotidien est régi par les marées, les transhumances et les fêtes de village.

Entre Madère et les Açores, il y a deux façons d’habiter le monde. La première séduit le voyageur par sa douceur de vivre, sa capacité à accueillir sans se renier. La seconde l’invite au retrait, à l’introspection, à un rapport direct aux éléments.

Eva Bronzini/Pexels

 

Fleurs en pagaille ou canopée dense

Madère un est jardin cerné par la mer. Les champs se couvrent de bananiers, de canne à sucre, de vignes, délimités par des haies d'hortensias et d'agapanthes bleues, de glaïeuls. Pas une maison sans un jardin fleuri de jasmin, d’orchidées, de bégonias. Les bords de route sont parsemés de plantes grasses et de fleurs tropicales, les murets débordent de couleurs, les balcons de pots suspendus. On arpente les montagnes au long de sentiers aménagés à travers les forêts de lauriers subtropicaux et longeant les canaux d’irrigation, les levadas, construits dès le XVIe siècle.

Plus sauvages, les Açores sont un sanctuaire : côte volcanique déchiquetée, forêts d'altitude, plages venteuses, sources d’eau chaudes et champs de lave...  Ici, la nature n’a pas été coiffée pour la photo. Les arbres poussent hauts, noueux, gorgés d’humidité. Les chemins s’enfoncent dans des fougères géantes, croisent des cascades cachées, longent des lacs volcaniques aux eaux noires ou émeraude. On y randonne dans une lumière changeante, porté par la puissance des paysages.

 

Éden printanier à Madère, humeurs atlantiques dans les Açores

Si Madère jouit d’un éternel printemps, aux Açores, le climat océanique est plus capricieux. À Madère, la température frôle les 20°C été comme hiver. Il ne fait jamais trop froid, jamais trop chaud, on porte t-shirt et tongs toute l’année. Et toute l’année, le ciel est bleu, l’air doux et les jardins fleuris. Dans les Açores, la brume, la pluie et le vent sont fréquents : on vit les quatre saisons chaque jour. On apprend vite à ne pas sortir sans un k-way et des lunettes de soleil, un maillot de bain et une polaire. Le vent souffle fort sur les falaises, les chemins sont parfois noyés dans le brouillard. C’est une météo vivante, imprévisible, qui donne du relief à chaque journée.

Chuko Cribb/Unsplash

 

Cuisine du soleil ou cuisine paysanne

À Madère, l’assiette se découvre tout en fraîcheur, simplicité et générosité, à l’image de l’espetada, une brochette de bœuf cuite à la braise sur des branches de laurier, servie avec du bolo do caco, un pain à l’ail légèrement brioché – un classique des soirées entre amis. On se délecte aussi des mangues de jardins, des papayes, des maracujás, et ananas qui poussent à foison dans tous les jardins de l’île.

Dans les Açores, la cuisine se veut plus rustique, enracinée. Le cozido das Furnas, spécialité de l’île de São Miguel, est emblématique de cette cuisine ancrée : c’est un ragoût de viandes, saucisses et légumes mijoté sous terre, dans la chaleur des fumerolles volcaniques. Enfoui dans le sol pendant plusieurs heures, il est servi fumant, imprégné d’arômes minéraux.

Les breuvages marquent aussi la différence. Madère rayonne avec son vin éponyme, produit depuis le XVe siècle et exporté dans le monde entier, qui accompagne les plats et les conversations. Aux Açores, la vigne est présente sur les neuf îles, mais l’île de Pico est la plus réputée, qui cultive depuis des siècles des vignes plantées sur des champs de lave, dans des fissures de la roche. Vents, embruns et humidité, les résultats sont surprenants : des blancs minéraux et salins, parfois pétillants, qui accompagnent parfaitement les produits de la mer.

 

Sentiers balisés ou nature sauvage

Madère, c’est l’île de l’aventure douce, qui se vit en baskets sur des sentiers balisés. Les levadas serpentent au cœur des forêts de lauriers classées au patrimoine de l’Unesco ou longent les falaises vertigineuses qui plongent sur l’Atlantique : on marche beaucoup, mais toujours à son rythme. L’expérience est physique, vivifiante, mais accessible à tous, avec des points de vue spectaculaires pour récompense. Certaines boucles s’entreprennent en une demi-journée, d’autres s'étirent sur une journée entière, entre pics, crêtes et vallées. On peut rejoindre l’île de Porto Santo, à quelque 40 kilomètres au nord-est, pour sa belle plage de sable blond, ou choisir de rester à Madère.

Aux Açores chaque île est un monde. À São Miguel, dès la lisière de la capitale, Ponta Delgada, on randonne entre forêts denses, lacs de cratère, champs d’ananas et sources thermales fumantes. À Pico, dominée par son volcan, ce sont des paysages lunaires, des pierres noires et des vignes cultivées entre des murets de basalte. À Flores, plus à l’ouest, des reliefs accidentés, des cascades à profusion, des sentiers peu fréquentés, une végétation sauvage. L’expérience est plus engagée, moins balisée, plus physique aussi. On grimpe, on glisse, on se perd parfois. On est souvent seul sur les chemins, au cœur d’une nature intacte et puissante. Et la mer n’est jamais loin : agitée, spectaculaire, vivante. C’est ici, dans ces eaux profondes, que l’on croise baleines, cachalots et dauphins par dizaines.

 

Par

MARION OSMONT

 

Photographie de couverture : Lina Bob/Unsplash : Jérôme Galland